86

3.8K 310 70
                                    

MOONLIGHT

Penchée sur le comptoir de mon lieu de travail, j'observe fièrement l'image qui s'affiche sur mon téléphone. Je n'aurais définitivement pas pu faire mieux. Ce portrait de Jake est tellement réussi, tellement réaliste que je m'impressionne sincèrement. Je ne peux que remarquer à quel point je me suis améliorée au cours des dernières années, et ce simple détail me rend encore plus confiante quant à l'avenir que me réserve le monde artistique.

Vous pensez sûrement que, côté originalité, j'aurais pu faire mieux comme cadeau d'anniversaire. Et vous n'avez pas tort : pourquoi offrir à Jake un second portrait de lui ? Pour être honnête, je n'en ai aucune idée. J'imagine que je voulais en quelque sorte noter l'évolution de son visage... Il faut dire que ses traits sont beaucoup plus matures qu'autrefois.

Afin de les souligner, j'ai tenté quelque chose de différent - de l'encre de Chine. Malgré l'usage de couleurs vives, cela peut pâlir au fil des ans, et c'est ce qui m'a longuement fait hésiter au tout début. Mais en fin de compte, j'ai simplement décidé de repasser dessus avec des crayons de bois. Méthode assez excentrique, je l'admets, mais le résultat final en a valu la peine.

Sinon, j'ai aussi acheté quatre sweats. Comme mon oeuvre, ils sont présentement chez moi, dans ma chambre. Puisque Jake et moi comptons passer la soirée à ma demeure, je ne voyais pas l'intérêt de trimballer ces choses au bar. Cependant, il y a un élément en particulier que je n'ai pas pu m'empêcher de garder avec moi. On pourrait considérer cela aussi comme un cadeau. Ça dépend du point de vue, mais tout ce que je peux dire, c'est que cette chose (ou plutôt, ce que l'on va en faire) marquera le début d'une nouvelle ère. Pas seulement pour Jake, mais pour moi également. Pour nous deux.

J'ignore comment il réagira. Il pensera peut-être que je suis folle. Peut-être pas.

- Moonlight chérie, je m'en vais d'accord ? N'oublie pas de fermer le bar quand tu as fini.

Ma patronne passe près de moi, puis me prend dans ses bras. Son étreinte dure longtemps. Très longtemps.

- Tu vas énormément me manquer, dit-elle alors. Ton absence se fera ressentir, tu peux en être sûre.

- Je n'arrêterai pas de venir, tu sais, ris-je, espérant alléger sa tristesse.

- Je sais. Mais ça m'attriste quand même de savoir que tu travailleras plus ici.

Dans deux vendredis. La semaine passée, j'ai eu une discussion avec Debbie concernant ma démission avant le commencement des vacances. Je souhaite profiter de ces trois mois au maximum, et selon moi, cela implique de ne plus travailler. Je peux me le permettre étant donné que j'ai rarement dépensé depuis que j'ai eu mon emploi ici : j'ai donc économisé beaucoup d'argent. Cela n'enlève toutefois rien au fait que j'adore ce bar. C'est comme ma deuxième maison. Tous les lycéens peuvent en dire autant, d'ailleurs.

En essuyant ses larmes, mon employeuse se décolle de moi. Je ne peux pas imaginer comment aurait été ma vie si je ne l'avais pas connue. Elle est plus qu'une patronne pour moi, et je suis plus qu'une simple employée pour elle. Malgré l'écart d'âge considérable nous, nous sommes amies. Elle me manquera beaucoup. Tout le monde va me manquer.

Il y a quelques mois, j'avais extrêmement hâte de quitter Orlando. Mais l'idée de savoir que j'en serai à des kilomètres dans quelques mois est juste... invraisemblable. J'ai passé dans cette ville les meilleurs moments de ma vie, et même si j'y reviendrai durant la période des fêtes, j'ai l'impression qu'une fois que je prendrai l'avion, je serai partie pour toujours.

Si je ne pleure pas maintenant, c'est parce que je sais qu'il est trop tôt pour penser aux au revoir. Pour le moment, je veux seulement profiter de la compagnie de ceux que j'aime.

L'ART DE T'AIMEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant