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"Cher Jake,

C'est la première fois que j'écris une lettre à quelqu'un. Pour être honnête, je n'ai jamais été très douée pour faire ça (et je crois que c'est la raison pour laquelle je n'ai pas tout le temps la note de passage en anglais.). Mais je vais faire de mon mieux pour écrire celle-ci. Parce que je veux te dire quelque chose.

Tout d'abord, merci de m'avoir invitée à ton anniversaire. On ne m'a jamais invitée à quoi que ce soit, tu sais. Je n'ai pas beaucoup d'amis. À vrai dire, je n'en ai aucun.

Beaucoup de gens n'arrêtent pas de m'éviter. Quand j'étais en maternelle, il y a même une fille qui a raconté aux autres que s'ils me touchaient, ils gonfleraient aussi. Je n'étais pourtant pas si grosse que ça. Enfin, pas à ce moment-là.

Parfois, je pleure beaucoup. Les gens me regardent tout le temps bizarrement et en plus, ils m'insultent. Même mon docteur. Et je n'aime pas ça.

Si je te dis tout ça, c'est parce que toi, tu es différent de tous ces autres gens. Pas une seule fois, tu m'as insultée. Ni regardée avec dégoût. Tu m'as même protégée (tu te souviens de la tarte ?). Je ne sais pas pourquoi tu as fait ça, mais merci. Personne n'a jamais fait ça pour moi.

C'est pour cette raison que je ne veux pas que tu changes. Parce que tu es gentil. Et à ce qui paraît, les gentils vont au paradis. J'aimerais bien que tu y ailles. Tu es un ange.

J'ai vu dans un livre que Van Gogh (c'est un peintre) a déjà dit qu'il n'y a rien de plus réellement artistique qu'aimer quelqu'un. Alors voilà : je t'aime beaucoup. 

Tu n'es pas obligé de ressentir la même chose, mais je tenais à te le dire. Parce que. . . je t'aime.

Joyeux anniversaire, Jake. 

Ton amie Moonlight.

P. S. : C'est aussi à cause de Van Gogh que j'ai décidé de nommer ce portrait L'Art de t'aimer. J'espère que ça te plaît. "

Les larmes me montent aux yeux. 

La petite Moonlight était si fragile, si triste. Cette lettre ravive en moi des sentiments enfouis. Des sentiments qui, je croyais, avaient disparus. À travers ces mots, je ressens à nouveau tout l'espoir à partir duquel j'ai écrit cette lettre.

- Il était trop tard, murmure alors Jake. Le jour où j'ai voulu aller chez toi pour m'excuser... Tu avais déjà déménagé.

Tandis que je m'efforce de retenir mes larmes, il fait un pas vers moi.

- Je m'en suis toujours voulu, Moonlight, et c'est encore le cas. Si tu savais le nombre d'heures que j'ai passées à regarder l'enseigne de déménagement plantée devant ta maison. . . Je savais que je te devais des excuses, mais j'avais beaucoup trop peur.

Mon coeur bat de plus en plus vite, et ma gorge se serre.

- Je n'en avais rien à faire, de ta condition physique. Mais mes amis trouvaient que j'étais un peu trop gentil avec toi, si bien qu'ils ont commencé à dire que j'étais amoureux. Et je. . .

Il ferme les yeux, comme si ce qu'il s'apprêtait à ajouter demandait un effort considérable. 

Mais je prie intérieurement pour qu'il poursuive.

Je veux savoir pourquoi il m'a fait ça.

- J'ai dit que c'était faux. Ils m'ont demandé de le prouver, alors. . . je t'ai invitée à mon anniversaire.

Il se tait ensuite, car nous savons tous les deux qu'il n'a nul besoin d'aller plus loin. La suite, on la connaît.

Les yeux de Jake s'humidifient légèrement, mais avant que je ne puisse voir quoi que ce soit, il couvre son visage de ses mains, et bascule sa tête vers l'arrière.

Un silence de plomb s'installe. Sans savoir réellement ce que je fais, je franchis les derniers mètres qui nous séparent.

Puis, je l'enlace.

Il semble surpris par mon geste en premier lieu, mais il ne tarde pas à répondre à mon étreinte. Il enfouit sa tête dans le creux de mon cou, répétant sans cesse qu'il est désolé et que s'il pouvait retourner en arrière, il le ferait.

- Je te pardonne.

Ces mots, je les pense vraiment. Je lui pardonne. Il est vrai que cette période de ma vie restera à jamais gravée dans ma mémoire, mais on doit passer à autre chose. Tous les deux. 

- Est-ce que je peux t'avouer un truc ? chuchote alors Jake.

Je frissonne au contact de son souffle chaud. Il n'attend même pas ma réponse, puis me regarde enfin.

- J'ai aimé t'embrasser.

Mon rythme cardiaque s'accélère. J'ai l'impression que mon coeur va sortir de ma poitrine d'une seconde à l'autre.

Lorsque je tente de fuir ses iris beaucoup trop envoûtants, il prend délicatement mon menton, pour me forcer à le regarder. Non, ça ne peut pas arriver, ça ne peut pas . .

Mais aussitôt, mes pensées sont tues par nos lèvres qui entrent en collision. 

L'ART DE T'AIMEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant