L'ART DE T'AIMER

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MOONLIGHT

Assise sur mon lit, j'observe en silence les nombreuses oeuvres que j'ai faites. Il y a quelques jours, j'ai reçu un courriel de la New York Academy of Art. J'ai pris la décision de m'abonner à leur info-lettre au début du mois de septembre, afin de m'assurer de ne rien manquer concernant l'université. Et rien ne va. 

Lorsque j'ai aperçu la notification sur mon téléphone, mon coeur s'est emballé. Je ne sais pas ce que j'espérais voir, mais une chose est certaine, ce n'était pas ça. 

Cette année, l'université a reçu beaucoup plus de candidatures que prévu. Ce qui l'a contrainte à resserrer les dates d'échéancier. Mon portfolio devra donc être complété et envoyé dans les trois semaines à venir, ce qui me laisse moins de temps pour le finaliser. Il me faut aussi écrire une lettre de motivation, qui sera rédigée à la main ou à l'ordinateur. En un maximum de deux cents mots, je dois expliquer ce que l'art signifie pour moi. 

Au moment où j'ai lu le nombre approximatif des portfolios envoyés, j'ai presque fait une attaque. Tous ces gens. 

Tous ces gens qui, comme moi, vivent pour l'art. Tous ces gens, qui visent exactement le même objectif. 

Jamais je n'ai douté de mes habiletés. Je sais que l'art est un domaine que je maîtrise, un domaine dans lequel je suis forte. 

Seulement, mes chances d'être acceptée à cette école viennent d'être réduites. Et cette lettre de motivation m'ajoute une pression supplémentaire. Écrire n'est pas ma plus grande force. 

Il y a tant de choses à dire, mais jamais je ne pourrai coucher ces pensées sur papier. Je ne m'exprime pas en écrivant.

Je le fais en dessinant. 

Cela fait plus d'une heure que j'analyse mes dessins. Ils ne sont pas suffisants. Quelque chose manque. Je ne sais pas ce que c'est, et c'est ce qui me met en fâche. Il me faut plus. Les critères de sélection seront certainement plus stricts, et je dois en tenir compte. Je sais que je peux faire mieux. 

Je dois mettre toutes les chances de mon côté pour être admise à la New York Academy of Art et si recommencer mon portfolio est le seul moyen d'y parvenir, je le ferai. En trois semaines, ce n'est pas impossible. Il faut simplement que je trouve un moyen de m'organiser, car entre-temps, les cours auront repris. 

Je peux le faire. 

- Moonlight ? 

Ma mère passe sa tête dans l'entrebâillement de la porte. 

- On y va, d'accord ? 

- Il est déjà dix-neuf heures ?

- Oui.

Nous sommes aujourd'hui la veille du Nouvel An. Il y a trois jours, Madame Evinson a contacté mes parents. Elle souhaitait nous inviter à la fête qui a lieu ce soir, chez elle. Pris au dépourvu, Papa et Maman ont accepté avec joie. 

- D'accord. Passez une bonne soirée.

Maman soupire, exaspérée.

- Moonlight...

Quant à moi, j'ai décliné l'offre. J'apprécie beaucoup Madame Evinson, mais je ne pense pas que me rendre là-bas est une bonne idée. Karlie ne veut certainement pas me voir et puis... et puis Jake.

Face au regard réprobateur que me lance ma mère, je finis par céder.

- D'accord, je vais venir, je mens. Mais est-ce que je peux arriver un peu plus tard ? Je dois travailler.

Elle regarde le bazar sur mon lit, et pose à nouveau ses yeux sur moi.

- Tu seras là ?

- Je serai là, répété-je.

Maman me scrute longuement.

- Bon, finit-elle par dire. Je vais dire à ton père que ce n'est pas la peine de t'attendre. Tu pourras t'y rendre seule ? Tu te souviens de l'adresse ? C'est la même maison.

Comment ne pas l'oublier ?

- Oui. 

- D'accord. N'oublie pas de t'habiller chic, c'est une soirée. Et tu nous appelles s'il y a quoique ce soit. À tout à l'heure, Moon.

- À tout à l'heure, je réponds.

Ma mère me lance un dernier regard, avant de fermer la porte. Une fois celle-ci close, je soupire. 

Devrais-je vraiment y aller ?