L'ART DE T'AIMER

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Dans la voiture, personne n'ose prendre la parole.

Ou plutôt, je n'ose pas prendre la parole. Les yeux rivés sur la route, Jake ne cesse de tapoter le volant depuis tout à l'heure. Je crois que c'est sa façon de ménager ses sentiments actuels. À ses yeux plissés, je vois clairement qu'il veut faire bien plus. Il a certainement envie de crier. De casser quelque chose, n'importe quoi.

Alors que nous quittions le gymnase, j'ai vu à quel point il était contrarié. À ce moment-ci, je me suis sentie légèrement coupable. Je sais que Jake tenait à Hailey, mais je n'avais pas le choix. Il devait comprendre que cette fille n'était pas quelqu'un de bien pour lui. Elle ne le mérite pas.

- Hum... Où est-ce qu'on va ? demandé-je d'une voix faible.

Toujours tendu, mon frère hausse les épaules.

- Où tu veux aller ?

Je réfléchis. Il nous faut un endroit adéquat, dans lequel nous pourrons discuter de ce qui a eu lieu. Jake n'a rien dit qui puisse trahir ses pensées, et j'ai besoin de savoir comment il se sent face à tout ça.

- Au... centre commercial ?

J'en conviens que ce n'est pas l'endroit le plus désert de la ville, mais peut-être que nous promener dans les divers magasins aidera à détendre l'atmosphère.

Jake me lance un regard en coin.

- Quoi, tu en as marre de t'habiller comme une clocharde ?

Un léger sourire marque ses mots, et en toute réponse, j'écrase mon poing contre son épaule.

- Et toi ? rétorqué-je. Quand est-ce que tu vas arrêter de porter des sweats à longueur de journée ? 

- Le jour où tu seras plus grande que moi.

Je lui donne une tape derrière la tête, ce qui me vaut une autre moquerie de sa part. Cela prouve qu'il ne s'est pas totalement renfermé, et j'en suis soulagée. J'avais peur qu'il se montre froid, car je tiens sérieusement à ce qu'on parle. Pas seulement de Hailey, mais aussi de ce conflit qui nous a maintenus distants l'un de l'autre. Je me suis finalement réconciliée avec Moonlight, et j'espère en faire de même avec lui.

Jake se gare dans le parking du centre, puis nous sortons de la voiture.

- On n'est pas les seuls à sécher les cours, à ce que je vois, constate-t-il en ouvrant l'immense porte en verre.

C'est vrai. L'endroit est bondé de personnes, la plupart d'entre elles étant sans aucun doute des lycéens comme nous. 

- Alors, déclare subitement mon frère. Tu comptes rester silencieuse, ou tu vas enfin te décider à cracher le morceau ?

Je lève les yeux vers lui, prise au dépourvu. Tandis que nous nous dirigeons vers un magasin de vêtements de sport, je tente désespérément de chercher mes mots. Afin d'occuper mes mains, je joue avec les pointes de mes cheveux délavés.

- Je ne veux plus qu'on soit fâchés.

Il se contente de hocher la tête, ce qui me fait soupirer. Si j'espère obtenir une quelconque réponse de sa part, je vais devoir vider tout mon sac en premier lieu. 

- Écoute... Je sais que je n'ai pas été très agréable avec toi ces dernières semaines, mais tu dois me comprendre. Moonlight et toi vous êtes réconciliés sans même prendre le temps de venir m'en parler. Ça m'a donné l'impression que vous aviez fait ça dans votre propre intérêt, sans même tenir compte de ce dont je vous avais fait part, tu comprends ? J'ai eu le sentiment que mon avis comptait pour du beurre, alors ça m'a fichue en rogne.