L'ART DE T'AIMER

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MOONLIGHT

- Hé ho, tu m'écoutes ?

Cette question me tire aussitôt de mes pensées.

- Quoi ? Euh, oui, oui tes parents...?

À vrai dire, je n'ai pas une seule fois prêté attention à ce que Karlie racontait. 

- Moonlight, ce n'est pas du tout ce dont je parlais, dit-elle en claquant la langue.

- Oui, je sais, balbutié-je. Excuse-moi, tu disais ?

Karlie finit par soupirer.

- Rien, laisse tomber. Pourquoi m'as-tu appelée, si les seules fois où tu m'adresses la parole depuis deux bonnes heures, c'est pour me demander de te passer du crayon ou du fusain ? Tu m'ignores totalement, en fait.

Je soupire à mon tour, et dépose mon fusain. Je n'ai aucune idée de la raison pour laquelle j'ai demandé à Karlie de venir chez moi. J'avais besoin de compagnie, j'imagine. J'aurais pu aller à la salle de sport, mais je n'avais pas la motivation pour ça. Et il pleut, de toute manière. 

Alors j'ai choisi de continuer mon portfolio. Les vacances de Noël arrivent bientôt, et j'aurai tout le temps nécessaire, mais j'avais irrémédiablement besoin de dessiner. Normalement, je préfère être seule, afin de mieux me concentrer. Je déteste que l'on me regarde à l'oeuvre. 

Je contemple mon dessin. Le nez de la personne n'est pas assez dans l'angle, les ombres sont pire que mauvaises, et le yeux ne sont pas du tout alignés de la bonne manière, donnant ainsi l'impression que mon portrait louche. Du pur gâchis. 

Sans aucune délicatesse, j'arrache la feuille géante de mon chevalet et la chiffonne en une vulgaire boule. Non, la déchirer serait mieux, elle ne mérite même pas de rester en un morceau. 

C'est le onzième portrait que je jette à la corbeille.

- Bon, il s'est passé quoi, là-bas ? lâche mon amie.

- Où ça ?

Elle lève les yeux au ciel, se disant certainement que j'ai du culot de la croire aussi dupe, car nous savons toutes les deux de quoi elle parle.

- Chez Debbie, Moonlight ! Hier. Tu travailles là-bas tous les vendredis. Et Jake y étais, je le sais. 

- Alors, selon toi, si Jake et moi nous trouvons dans le même lieu, il y a forcément une dispute, c'est ça ?

Oui.

Je ferais mieux d'arrêter de jouer les ignorantes, car à son corps soudainement tendu et sa mine qui me fait comprendre que je ne devrais pas me ficher d'elle, Karlie me montre clairement qu'elle commence à perdre peu à peu patience. 

- Moonlight. Tu. M'as. Appelée. Pourquoi ? Parce que je te jure que je suis à deux doigts de partir, si c'est pour me faire perdre mon temps comme ça. Je m'attendais à se qu'on aille se promener, ou un truc du genre. Mais ça fait deux foutues heures qu'on est cloîtrées dans ta chambre, et tu ne fais que dessiner, pour ensuite tout jeter à la poubelle. D'autant plus que tu n'as pas écouté un mot de ce que j'ai dit. Alors je te donne l'occasion de te libérer de ce poids qui te pèse, qu'on en finisse. Pour la dernière fois: qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Il est vrai que lui parler d'hier soir ne me ferait pas de mal, surtout que cela me permettrait de tout oublier plus facilement.

- Je... ne sais pas trop par où commencer, murmuré-je.

- Par le début, ce serait déjà bien, répond Karlie un peu trop sèchement.

Incrédule, je la regarde.