L'ART DE T'AIMER

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Alejandra s'est intégrée beaucoup plus rapidement que je n'aurais pu le faire en deux semaines. Partout où elle passe, les gens la regardent avec intérêt. Elle se montre constamment sympathique avec les autres élèves, si bien qu'elle a réussi à se faire des amis en dehors de notre groupe. Comment est-elle parvenue à faire ça en moins de quelques heures ?

La deuxième période arrive bientôt, et je sens déjà que je touche le fond. J'étais persuadée que je pourrais aller mieux, mais ce n'est pas le cas. Le choc demeure toujours impossible à encaisser pour moi. Madame Evans, je ne me sens pas capable d'accepter la situation. Ce ne sera jamais le cas.

Cachée à quelques mètres, je ne peux m'empêcher de contempler les deux amoureux, postés près du casier d'Alejandra.

C'est au moment où ils s'embrassent que je détourne la tête. Il y a certaines choses que je refuse de voir, et cela en fait partie. Lorsque je les regarde à nouveau, ils sont dans les bras l'un de l'autre.

La cloche sonne enfin. C'est bon, j'en ai assez vu. Le coeur serré, je laisse mes jambes me guider vers la classe d'histoire.

- Karlie !

En entendant mon nom, je me fige. C'est Alejandra.

- Salut ! dit-elle en me rejoignant. On ne s'est pas parlé, ce matin...

- Ouais, c'est pas de chance, murmuré-je.

Je ne prends pas la peine de jeter un coup d'oeil derrière moi. Je sais que Miles nous regarde nous éloigner.

- Tu as quel cours ? me demande-t-elle.

- Histoire...

- Moi aussi, ça tombe bien ! Je peux faire le trajet avec toi ?

Pour toute réponse, je fais un léger signe de tête. Je voudrais avoir la méchanceté nécessaire de dire non, mais à quoi cela me servirait-il ? Je n'ai aucune raison de la détester. Elle cherche seulement à se familiariser avec l'entourage de son petit ami.

Nous marchons ainsi pendant quelques secondes, sans nous adresser un seul mot. Je me racle la gorge.

- Et sinon... Tu te plais à Orlando, jusqu'à maintenant ?

Je pourrais jurer à son expression qu'elle est surprise et franchement, je le suis aussi. Depuis hier soir, Alejandra essaie d'engager la conversation avec moi, mais jusqu'à maintenant, je n'ai fait que l'éviter. Je ne voulais pas avoir à lui parler, mais me voilà à essayer de taper la discute. Tout de même ravie que je fasse enfin le premier pas, la Dominicaine répond :

- Disons que je n'ai pas trop eu le temps de tout voir, mais Miles m'a promis qu'il me ferait visiter un peu la ville après les cours. En tout cas, je trouve que les gens sont plutôt sympas, dans ce lycée. Surtout les footballeurs... Dis-moi, ce sont tes amis aussi ?

Je hoche la tête.

- Pardonne mon indiscrétion, mais... est-ce que tu sors avec l'un d'eux ?

À cette question, mes membres se raidissent. Lorsque Alejandra le remarque, elle se confond en excuses.

- Je suis vraiment désolée, s'empresse-t-elle de dire. C'est juste que je suis beaucoup trop curieuse parfois, je... Ok, tu sais quoi ? Je vais me taire.

Pendant quelques secondes, je demeure silencieuse. Je serais sortie avec l'un d'eux si j'avais eu assez de courage, Alejandra. 

- Ça va, marmonné-je finalement. Mais est-ce qu'on peut parler d'autre chose, s'il te plaît ?

- Oui, bien sûr. Euh... Quand j'ai fait connaissance avec les garçons, Miles m'a dit qu'il y en avait un autre... Ton grand frère, c'est ça ?

- Il s'appelle Jake. Tu ne le verras certainement pas avant la troisième ou quatrième période.