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MOONLIGHT

Cela va maintenant faire dix minutes que je marche dans cette chaleur. Qu'est-ce qui m'a pris de laisser la voiture chez moi ? Et ce carton que je tiens depuis tout à l'heure n'arrange rien du tout. Heureusement, je ne porte qu'un short et un T-shirt. Autrement, je serais inconsciente sur le trottoir à l'heure qu'il est.

C'est dans des moments semblables que je me demande comment aurait été Orlando si l'hiver y avait été une saison. Pour le moment, le climat est insupportable. Évidemment, certaines fois, les températures élevées ne sont pas désagréables, mais...

J'en ai marre de cet été permanent.

C'est l'une des principales raisons pour lesquelles je suis impatiente de me barrer à New York vite fait l'année prochaine. Je sais que rien est encore gagné, mais je reste optimiste. Quand j'y serai, j'accueillerai la fraîcheur automne-hiver les bras grands ouverts. Je suis loin d'être frileuse. Au contraire, je n'attends que ça : le froid. Mais ce n'est pas près d'arriver, croyez-moi. On est à Orlando. Le moindre petit courant d'air serait automatiquement le résultat de l'activité humaine. Et de toute manière, avec le réchauffement climatique qui ne fait qu'empirer, nous ne sommes pas près de faire des bonshommes de neige. Fichue pollution...

Ce n'est pas que je suis écolo ou truc du genre, mais... j'ai raison ou non ?

Bon, il se peut bien qu'en sophomore year, j'aie peut-être fait partie d'un club d'écologie.

J'ai appris des choses, certes, mais je ne suis plus venue aux réunions à partir de la troisième journée. Porter des chandails ridicules, avec un logo ridicule - ils auraient dû me laisser le concevoir -, des slogans ridicules et organiser des kiosques ou personne ne venait n'était très passionnant.

Déshydratée, je m'arrête au beau milieu du trottoir et dépose mon sac à terre, pour y prendre ma bouteille d'eau. Lorsque je prends une gorgée, je ne sens aucun soulagement. L'eau est aussi chaude que... de l'eau chaude. J'avais pourtant mis des glaçons.

En regardant autour de moi, j'aperçois un petit parc de l'autre côté de la rue... rempli d'enfants. D'où je suis, je peux les entendre crier et les voir courir dans tous les sens.

La seule chose qui me convainc tout de même de me diriger vers le parc est l'arbre géant sur lequel je pourrai m'appuyer contre le tronc. Un peu d'ombre ne me fera pas de mal. Espérons qu'aucun enfant ne vienne me déranger.

Après avoir déposé toutes mes affaires sur la pelouse du parc, je m'assois à l'ombre et lâche un soupir de soulagement en fermant les yeux. Enfin. Je rouvre mes paupières et regarde autour de moi. Au fil des années, le paysage d'Orlando est devenu pour moi si banal que je peux maintenant le dessiner les yeux fermés.

Je sais que je devrais me considérer chanceuse, car des gens tueraient pour pouvoir passer leur vie en été, mais je ne le suis pas. Je réside à Orlando depuis ma naissance. J'ai déjà visité tous les parcs d'attraction. Je suis déjà allée à toutes les plages. J'ai presque tout fait dans cette ville. Alors vous comprendrez qu'à un moment, on finit par se lasser de tout ça. Toujours la même chose. Les plages et tout le tralala. J'ai besoin de changer d'air, un peu. Je veux de la variété. Et c'est exactement ce que New York peut m'offrir. La vie urbaine, la gastronomie, toutes ces choses-là... C'est ce dont je rêve.

Mais je veux avant tout exceller dans les arts. Ce n'est pas pour rien que je tiens tant à me déplacer jusque dans un autre État. La New York Academy of Arts a toujours été pour moi le but à atteindre.

J'en ai marre de ce soleil qui, ne pouvant pas simplement se contenter d'être présent, nous grille comme des steaks. J'en ai marre de me sentir obligée de trimballer de l'eau avec moi partout où je vais. J'en ai marre de...

L'ART DE T'AIMEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant