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- Moonlight, pourrais-tu aller prendre la commande de ce jeune homme, là-bas ? Tu pourras prendre une pause après, je te le promets.

Le visage épuisé par les nombreux déplacements qu'elle a effectués au cours des deux dernières heures, ma patronne s'appuie sur mon épaule en pointant vers une direction que je ne prends pas la peine de regarder. M'empressant de remplir un gobelet d'eau glacée, je ne la quitte pas des yeux, légèrement inquiète. 

En me remerciant d'une voix pantelante, Debbie s'essuie le front en saisissant le verre, puis se décolle de moi.

- Ma foi, je me fais vieille, dit-elle après une gorgée. Je suis vraiment désolée de me servir de ton temps libre. Si je n'avais pas été aussi débordée, je ne t'aurais pas appelée.

Il est vrai que c'est la première fois que j'ai à travailler ici un mardi. Je comptais rentrer directement chez moi après les cours, mais tout juste avant ma dernière période de classe, ma patronne m'a appelée. L'une de mes collègues s'était absentée à la dernière minute et par conséquent, quelqu'un devait venir la remplacer au plus vite. Il fallait donc que je passe rapidement chez moi pour prendre mon uniforme de travail, mais il y avait un hic : je n'étais pas venue au lycée en voiture.

Alors c'est Jake qui m'a accompagnée. 

Je lui avais répété maintes fois que ce n'était pas la peine, mais il a insisté. Donc, j'ai fini par accepter. Le trajet s'est fait silencieusement. Aucun de nous n'a parlé, mais c'était uniquement par peur de gâcher le moment. À vrai dire, l'ambiance taciturne qui régnait dans le véhicule nous plaisait à tous les deux. Pas de problèmes. Pas de discussion sur un sujet délicat. Rien. 

Juste nous deux, assis calmement dans une voiture, profitant de la compagnie de l'autre.

- Ne sois pas désolée Debbie, tout va bien, la rassuré-je. Tu peux respirer. Avec les autres, on s'occupe de tout.

Je profite de l'occasion pour lui rappeler que rien ne l'empêche d'embaucher de nouvelles personnes : les vacances arrivent à grands pas et je suis persuadée que des tas de gens voudraient travailler ici. Elle me promet de garder l'idée en tête, puis je saisis mon calepin. 

Repérer le client dont me parlait Debbie ne s'avère pas difficile, car avec ses vêtements sombres, il a de quoi attirer l'attention. Il est de plus le seul à occuper une table à l'intérieur du bar. Normalement, beaucoup de gens sont enclins à aller s'asseoir sur le balcon. 

Au fur et à mesure que je m'approche de lui, je constate avec surprise qu'il s'agit de Chance. Que fait-il ici ? 

Appuyé contre le dossier d'une banquette de cuivre, celui-ci ne me remarque pas, trop occupé à observer dehors. À ce moment, je peux voir à quel point ses traits sont magnifiques. Les rayons du soleil qui frappent son visage dévoilent une facette plus angélique et innocente que celle à laquelle son impassibilité m'a habituée. Si j'en avais eu le temps, cela ne fait aucun doute que je l'aurais dessiné.

- Salut, lui dis-je enfin. Ça fait longtemps.

Ma voix le tire doucement sa rêverie, puis il tourne sa tête vers moi. 

- Salut.

- Hum... As-tu fait ton choix ? je lui demande en désignant le menu.

Ses yeux gris se dirigent vers le carton, qu'il n'a visiblement pas daigné de consulter. 

- Je vais prendre de l'eau, déclare-t-il.

- C'est tout ? m'étonné-je. 

Chance hoche la tête. Sans plus insister, je me dirige vers la machine à eau. Je dois admettre que le voir en dehors de l'école - surtout ici- me surprend énormément. Ce bar laitier ainsi que la plage ne semblent pas être les types d'endroit qu'il fréquente. Alors qu'est-ce que ce serait ?

L'ART DE T'AIMEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant