L'ART DE T'AIMER

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KARLIE

Plus les jours passent, et plus j'en ai marre. De tout.

Je suis à deux doigts d'abandonner l'école, dans l'unique but de ne plus avoir à me mêler à la population de mon établissement. Beaucoup trop de gens, beaucoup trop de sourires, beaucoup trop d'insouciance. Ça m'horripile.

Est-ce égoïste de ma part d'être en colère parce que tout le monde semble bien aller, sauf moi ?

Cela me rappelle que peu importe ce qui se passe, la Terre n'arrêtera pas de tourner. Elle ne vous attendra pas. Alors que le monde continue de vivre, de s'agiter autour de moi, j'ai l'impression d'être figée sur place. Je n'avance jamais, je suis toujours située au même point. Je demeure engloutie dans une bulle de colère et d'incompréhension.

Nous sommes maintenant au mois de février, et au cours des dernières semaines, j'ai été témoin d'une évolution entre les personnes que je connais. À commencer par Jake et Hailey. Ces deux-là sont maintenant plus amoureux que jamais, et je commence franchement à perdre espoir quant à leur rupture. Il doit certainement y avoir une erreur quelque part, parce que Hailey n'aime pas Jake. Et Jake n'aime pas Hailey, bon sang. Même après ces quatre mois, je refuse de croire qu'ils sont compatibles.

Ensuite, j'ai remarqué que Steve a l'air beaucoup moins remonté contre mon frère. Les deux garçons se parlent maintenant sans problème, à croire qu'ils ont enterré la hache de guerre. Ils ont cessé de se défier du regard, et leur rivalité semble désormais fondée sur quelque chose de plus positif.

Puis finalement, nous avons Moonlight. Nous ne nous parlons plus. Elle essaie quelques fois de capter mon regard, mais je détourne la tête aussitôt. Si elle savait à quel point je suis en colère contre Jake et elle... Après les vacances, je n'ai reçu aucune excuse de leur part. Il faut croire qu'ils ne sont pas désolés de m'avoir fait endurer leurs batailles.

Ils ont fini par se lier d'amitié, sans même chercher à me donner des explications, ou encore me dire qu'ils s'en veulent. Je suis heureuse qu'ils soient devenus si proches, mais ce que je n'accepte pas, c'est qu'ils me délaissent de la sorte. Je leur avais exprimé le fond de mes pensées, je m'étais enfin vidé le coeur et c'est comme s'ils n'avaient rien écouté du tout. Comme si mes paroles les avaient laissés indifférents. Tout ce que je veux, c'est qu'ils me disent qu'ils sont désolés. Désolés de m'avoir négligée autant.

- On y va ?

Je finis de remplir mon sac, puis ferme mon casier. Une autre journée épuisante vient de se terminer. Tandis qu'il joue avec ses clés de voitures, je dis à Miles :

- Est-ce qu'on peut passer au bar de Debbie, finalement ? J'ai envie de grignoter quelque chose.

- Ça marche !

Il n'y a pas longtemps, l'enseignante de philosophie nous a assigné un autre travail, qui consiste à faire un essai d'environ cinq cents mots. Rien qu'à penser au nombre d'heures que cela nous prendra pour compléter la tâche, je suis découragée. Toutefois, je me console en me disant que Miles est mon partenaire.

Entre nous, tout est redevenu comme avant. Mais j'aurai beau me convaincre du contraire, j'ai toujours des sentiments pour lui.

Je pense à lui tout le temps. J'aimerais avoir le courage de lui dire que le jour où nous avons failli nous embrasser, j'étais parfaitement sobre. Je veux réellement qu'il sache ce que je ressens pour lui, toutefois, j'ai beaucoup trop peur de sa réaction. Le fait qu'il ait pensé qu'en temps normal, jamais n'aurais osé l'approcher autant en dit long sur ses pensées quant à nous deux. Amis, et rien de plus.

Une fois sa voiture démarrée, nous nous engageons dans la route. Si ce n'est pas maintenant, alors quand ? Quand aurai-je enfin le courage de lui dire ? Voudra-t-il de moi ? Ou bien me repoussera-t-il ?