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JAKE

Je me fais affreusement chier.

La fête a commencé depuis maintenant plus de trois heures, et la musique continue de résonner à fond. Personne ne danse, mais les invités n'ont pourtant pas l'air de s'ennuyer. J'entends des bribes de conversation, des éclats de rire, et je me demande bien ce qu'il y a de si amusant.

Appuyé contre le mur du salon, près des escaliers, j'observe le groupe d'adolescents qui discutent. Ils sont tous affalés sur le canapé, et je suis même surpris qu'ils soient parvenus à rester jusqu'à vingt-trois heures passées. À leur place, j'aurais pris mes jambes à mon cou pour retourner chez moi. Au début, l'ambiance n'était pas mal, mais je me suis vite lassé de tout ça.

Maman a cru qu'il serait une bonne idée qu'il y ait parmi les invités des "jeunes de mon âge", avec qui je pourrais sympathiser pendant la soirée. Sincèrement, je ne sais pas à quelle réaction elle s'attendait en me l'apprenant. Je n'étais pas plus excité que ça.

L'idée d'aller me taper cinq cent heures de sommeil m'est passée par la tête, mais elle a insisté pour que je reste pour le décompte du Nouvel an. Et puis, cette femme a les yeux partout : si je disparais, elle le saura.

Dans le cas de Karlie, il lui a simplement suffi de simuler une fièvre pour que notre mère tombe dans le panneau. Cette injustice que je subis en tant qu'aîné me tape sur le système. Si j'avais fait une scène pareille, ça n'aurait pas du tout passé. Pourtant, ma soeur et moi n'avons qu'un an d'écart.

Mon regard se promène partout, quand je finis par croiser celui de mon père, qui est dans la cuisine. "Ça va ?" articule-t-il. Je me contente de hocher la tête, lui faisant ainsi signe que tout va bien. Dernièrement, nous avons réussi à entretenir des dialogues normaux. Cela n'était pas arrivé depuis quelques années. Le jour où tout a été gâché entre nous, je lui ai demandé quelques semaines plus tard de ne plus m'adresser la parole. En échange de mon silence. Cela n'a pas fonctionné, car nous continuions de nous disputer constamment.

Je n'en reviens toujours pas qu'il m'ait offert ces cadeaux de Noël. Au tout début, je dois avouer que j'étais méfiant, car je me disais qu'il voulait certainement m'acheter. Mais depuis ce jour-là, il essaie vraiment d'arranger les choses, et je le vois.

Nous n'avons jamais discuté du sujet en tant que tel, car en parler nous effraie tous les deux. Je ne sais pas si je pourrai un jour lui pardonner ce qu'il a fait. Je n'en ai aucune idée. Toutefois, s'il y a bien une chose dont je suis certain, c'est que je ne l'oublierai jamais.

Après m'avoir adressé un bref sourire, il retourne dans la cour-arrière pour rejoindre Maman et les autres adultes. Quelques secondes plus tard, je m'engage dans la cuisine. Je voudrais bien combler mon ennui en grignotant un truc, mais les invités ont dévoré le buffet en moins de deux. Ils ont même vidé le frigo, ces connards.

Alors il ne reste que le champagne. Ça ne comblera ni mon ennui, ni ma faim, mais ce n'est déjà pas mal. Je saisis un verre sur l'étagère et y verse la boisson, quand une voix féminine dit:

- Salut. Jake, c'est ça ?

C'est l'une des filles qui me matent depuis tout à l'heure. Pour être honnête, je m'étais surtout tenu à l'écart du petit groupe pour ne pas avoir à leur parler. Celle qui se tient devant moi est souvent venue à la maison, mais nous ne nous sommes jamais adressés la parole. Ses parents sont des collègues de ma mère, et cette dernière a pour habitude de les inviter souvent.

- Ouais, je réponds simplement.

Elle a sacrément changé depuis la dernière fois que je l'ai vue. Je crois que ça remonte à l'année passée. Ses longs cheveux noirs sont maintenant accompagnés d'un frange carrée, et elle a un anneau au nez. Pour faire ressortir ses yeux bleus, elle a fait un truc qui -je crois- s'appelle le smokey eye. 

L'ART DE T'AIMEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant