L'ART DE T'AIMER

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MOONLIGHT

Si vous croyez sincèrement que la marche constitue un élément clé pour se vider la tête, laissez-moi vous dire les choses telles qu'elles sont : c'est faux. Après des minutes passées à longer les corridors presque vides du lycée, à tenter de maîtriser ma respiration de sorte à expirer lorsqu'un pied touche le sol, je suis toujours à cran.

J'ai l'irrésistible envie de frapper dans quelque chose, mais malheureusement pour moi, il n'y a aucun punching-ball en vue. M'en dégoter un signifierait de faire demi-tour, et la distance qui me sépare du gymnase ou de la salle de musculation est désormais beaucoup trop grande. Je ne suis même plus au premier étage.

Peut-être devrais-je songer à m'entraîner après les classes. Au cours du mois de décembre, tant de choses m'ont assaillie que pas une seule fois, j'ai mis un pied à la salle de sport pour relâcher tout ce stress qui me pesait sur les épaules. C'était comme si toute motivation m'avait quittée. Il serait bien temps que je reprenne le rythme, car autrement, je chavirerai à nouveau : les bonnes habitudes sont beaucoup plus faciles à délaisser que les mauvaises.

Il ne serait pas étonnant que j'aie pris un ou deux kilos, mais je ne me fais pas un sang d'encre pour autant. Cependant, je ne dois en aucun cas recommencer à négliger mon corps, comme je l'ai fait il y a quelques années. En y repensant, je peux sentir à nouveau cette légère culpabilité qui gisait au plus profond de mon être, autrefois. Pendant bien longtemps, mes proches - ceux qui m'aimaient et ne me jugeaient pas - ont voulu me convaincre que je n'étais pas responsable de la condition dans laquelle j'étais. Longtemps, on a tenté de me consoler. Il y avait des "Ce n'est pas ta faute, Moon". Ou encore des "Arrête, tu n'es pas grosse". Ceci était la phrase de réconfort la plus redondante. Un mensonge, soit dit en passant.

- Le plus grand mensonge jamais raconté, soufflé-je.

Je n'arrivais pas à saisir pourquoi ils s'obstinaient tant à rester dans le déni quand moi, la principale concernée, j'avais fini par me faire à l'idée que oui, j'étais obèse. On disait que rien n'était ma faute, mais j'en doutais fort. Ma famille avait beau dire que je n'avais pas à me sentir mal, il y avait d'autres voix, plus fortes, qui m'amenaient à penser le contraire.

Notamment celle de Fiitzpatrick, mon médecin de l'époque. En tant que personne de sa profession, il se devait de m'aider, et non pas de me juger. Chaque moment passé dans sa clinique était un supplice, alimenté par des regards réprobateurs de sa part à chaque pesée. Si j'en suis arrivée là où je suis aujourd'hui, ce n'est pas grâce à lui. Il n'a aucun mérite. 

Repenser à tous ces gens qui m'ont blessée avait, bizarrement, été ma principale source de motivation. Même si je ne faisais que m'infliger une douleur plus grande, je continuais de penser à eux... à tout le monde sauf à Jake. Car il demeure de loin celui qui m'a le plus blessée. Mais depuis qu'il est réapparu dans mon quotidien, il m'a été impossible de faire plus d'efforts pour tout balayer. Je sais que je n'oublierai jamais ce qu'il m'a fait. Que ça restera à jamais gravé dans ma mémoire. Mais je suis prête à tourner la page.

Et c'est ce que j'espérais que les autres comprennent.

Vraiment, je n'en peux plus. Je n'en peux plus de toutes ces complications inutiles. Pourquoi diable a-t-il fallu que les choses se déroulent ainsi ? On me dira si j'ai tort, mais tout cela aurait pu être épargné.

Venant de Hailey, je n'avais rien à espérer : c'est Hailey. J'en veux néanmoins à Karlie, tout comme j'en veux à Steve. Il est certainement en colère contre moi, mais je m'en fiche, qu'il se débrouille avec son aigreur. Je sais que je n'ai rien à me reprocher, d'autant plus que je n'ai aucune explication à lui fournir. S'il sent le besoin d'entretenir une conversation sur le sujet, qu'il vienne lui-même ; il est hors de question que je fasse le premier pas. S'il croit être le seul à pouvoir être une tête dure, il se trompe royalement.