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KARLIE

Je ne sais même pas ce que je fiche ici. Il est présentement vingt et une heures passées, je devrais déjà être chez moi. Mais cela va bientôt faire trente minutes que je suis assise dans cette espèce de fast-food dont je n'avais jamais entendu parler. Assez logique, puisque c'est la première fois que je m'aventure aussi loin dans la ville. Je ne suis même pas certaine de savoir comment j'ai pu aboutir à un lieu situé à une heure de marche de chez moi, mais au point où j'en suis, je m'en fiche.

L'endroit, qui a un style plutôt rétro, est bondé de lycéens, notamment de seniors. Leurs visages ne me sont guère familiers, j'en déduis donc qu'ils viennent d'une autre école.

La petite cloche suspendue à la porte émet un bruit, et c'est un groupe de garçons qui fait son entrée. À voir leurs vestes identiques arborant un logo, je devine que ce sont des footballeurs.

Un tonnerre d'applaudissements se fait entendre tandis qu'ils se fraient un chemin jusqu'à une table au fond de la salle. Des gens les félicitent et leur donnent des tapes amicales, auxquelles ils répondent avec le même sentiment euphorique. 

Je ne leur prête pas attention plus longtemps, puis replonge dans ma bulle.

Et dire qu'il y a trois jours, j'ignorais encore l'existence d'Alejandra. Son arrivée a définitivement tout chamboulé. J'ai encore du mal à supporter la proximité qu'elle a avec son petit ami, que ce soit pendant les cours ou les pauses. 

Jake et Moonlight essaient de me distraire la plupart du temps pour me redonner le sourire, mais pour le moment, il est impossible pour moi d'envisager de "passer à autre chose". Je sais toutefois qu'ils veulent m'aider, et ça signifie beaucoup pour moi.

Quand je pense qu'ils sont réconciliés depuis janvier... C'est tout de même fou de les voir aussi proches, depuis un certain temps. Moonlight n'en veut définitivement pas à Jake pour le baiser qu'il lui a volé, c'est évident. Je les ai observés aujourd'hui, et je suis enfin arrivée à la conclusion qu'il se passe quelque chose entre eux. 

En temps normal, cette nouvelle aurait été un choc pour moi, mais on dirait que depuis mercredi, plus rien n'a le pouvoir de me surprendre. À part tristesse et déception, il m'est impossible de ressentir quoi que ce soit.

Une larme se met à perler sur ma joue, que j'essuie avec énervement. Pourquoi faut-il que je sois aussi faible ? J'ai dix-sept ans, merde, pas cinq.

- Salut.

Je lève la tête, intriguée. Le sourire au visage, un garçon aux traits asiatiques emprunte la chaise d'une autre table, puis s'assoit en face de moi. Mes yeux manquent de sortir de leurs orbites quand je constate qu'il s'agit de l'un des footballeurs.

La première chose qui me frappe en le voyant est qu'il est vachement... bien composé. Il n'arrive pas à la cheville de Miles, mais je ne peux cependant pas nier sa beauté. La forme diamant de son visage lui donne un air enfantin, sans oublier que sa peau subtilement basanée est aussi lisse que celle d'un bébé. L'arête de son nez est plutôt osseuse, mais je crois que cela fait partie de son charme. Son visage est encadré par des cheveux noir de jais, qui lui arrivent au cou. Je n'ai jamais trop aimé les mecs avec les cheveux longs, mais je dois avouer que ça lui va à merveille: on pourrait croire qu'il est tout droit sorti d'un conte.

Le fait qu'il s'incruste dans mon espace de la sorte ne m'enchante pas trop, mais puisqu'il n'a pas l'air de me vouloir du mal, je me contente de répondre :

- Salut. Est-ce que tu as... besoin d'aide ?

- Moi, non. Mais j'ai l'impression que c'est ton cas.

L'ART DE T'AIMEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant