Chapitre 1 :

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Deux yeux. Dorés. Qui me fixent.

J'ouvre brusquement les yeux en prenant une grande inspiration. Qu'est-ce que... ? Je referme aussitôt les yeux et serre fort les paupières, mais l'image s'estompe de ma mémoire comme de l'herbe qui part en fumée.

J'entends un craquement. Je sursaute et je baisse brusquement les yeux sur mes draps déchirés. Je grogne et desserre mes doigts. Mon poing se presse contre mon front. Un début de migraine me talonne le crâne.

C'étaient mes yeux, j'en suis sûr ! Alors pourquoi... pourquoi j'ai l'impression que c'était quelqu'un d'autre qui me fixait ? Ce n'est pas la première fois que je rêve de ces yeux dorés, mais leur apparition est de plus en plus fréquente depuis un moment.

- Mademoiselle. Mademoiselle ! m'appelle une infirmière.

Quelle poisse ! Et l'autre qui me gueule dans les oreilles... pourquoi toutes les infirmières m'appellent "mademoiselle" ?  Il n'y a qu'elles qui me nomment par ce surnom ridicule.

Je prends une profonde inspiration et l'odeur familière de l'infirmerie envahis mes narines. J'y ai passé tellement de temps que c'est une deuxième chambre pour moi. Je garde les yeux fermés, mais l'infirmière me secoue l'épaule avec une force étonnante pour une voix si douce.

Ne jamais se fier aux apparences.

- Mademoiselle !

Agacée, je grogne et me dégage d'un coup d'épaule sec. Je me résous à ouvrir les yeux et tombe sur le regard angoissé de l'infirmière qui s'apaise aussitôt. Oh, seigneur... je détourne les yeux avec agacement, mais vive comme l'éclair, elle lève la main pour nettoyer mon visage avec une compresse imbibée d'un liquide à l'odeur de mélisse.

- Vous êtes enfin réveillée ! (oui, enfin, je n'ai pas vraiment eu mon mot à dire là-dessus) Le proviseur vous attend dans son bureau.

Qu... oh. Je me rappelle d'un coup. Un hélicoptère de l'Atrium était venu nous chercher et a peine montée dedans, la voix glacée de M. Jamal s'était élevé derrière nous. Je n'en avais pas cru mes yeux. Il ne se déplace presque jamais, comment se faisait-il qu'il soit là dans cet hélicoptère ?

J'ai voulu parler, mais il m'a réduit au silence d'un seul regard. Une brusque embardée de l'hélicoptère m'avait projeté contre une paroi, et ma vue s'était brouillée. J'avais évité le savon, finalement. Enfin, plus pour longtemps...

Un gros mal de crâne s'enracine dans ma tête. Je ricane intérieurement. Mon corps n'a pas apprécié mon tête-à-tête avec la mort. Je ne peux même pas lui en vouloir, moi-même, je ne savais pas si elle allait me laisser partir.

Je balance mes jambes sur le côté et me lève d'un coup. Un vertige me prend aussitôt et me force à rester immobile quelques secondes. L'infirmière m'attrape le bras et me stabilise. Je grogne, réticente à me voir aussi faible, mais je ne peux pas ignorer l'évidence. J'ai besoin d'aide pour rester debout.

Ouch. Ça fait mal.

J'attends que la nausée passe puis me redresse avec le peu de fierté qu'il me reste. Je sens que je vais apprécier le trajet jusqu'au bureau. L'infirmière me lâche et dit :

- Faites attention, votre corps a subi un grave traumatisme et en a encore des séquelles.

Ah bon ? J'avais pas percuté !

Je grommelle un "oui merci" parce qu'avoir des patients aussi mal léchés que moi toute la journée mérite de la reconnaissance, et je pars alors qu'elle me suit de près. Je lève les yeux au ciel, mais ne fais aucun commentaire.

Des dizaines de lits presque tous occupés et séparés entre eux par des rideaux noirs défilent devant mes yeux. Un novice avec un plâtre, un autre avec un bandage au ventre, une Brise avec la jambe sur-élevé. Je repère de loin un essaim d'infirmiers et d'infirmières massés autour d'un lit.

Le regard du Lion - Double-âme [2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant