Chapitre 21 :

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Kallol ferme la marche. Je le tiens à l'œil. Ma main ne s'éloigne jamais loin de ma ceinture. Il n'a rien tenté depuis qu'on est parti, mais ne pas l'avoir dans mon champ de vision directe me rend nerveuse.

De mon expérience, il est expert des coups dans le dos. Je sais qu'il ne me fera rien et qu'il n'en a pas intérêt, mais beaucoup de choses autour de Kallol restent encore trop obscures pour que je me fie à sa capacité à se comporter normalement.

Kaïcha me murmure que je suis en train de contaminer tout le monde avec ma tension. Je grince des dents, mais m'efforce de me détendre en silence,  malgré tout c'est viscéral, j'ai l'impression d'être sur des charbons ardents.

Je me concentre sur les odeurs que charrie la brise froide pour dévier mon attention. Une faible senteur musquée me fait plisser les yeux. Je remarque une trace de pattes dans la neige trop loin pour que je puisse l'identifier, et j'essaye de deviner à quel animal il appartient. La distraction marche et je me détends petit à petit.

Le cri d'une buse résonne comme un présage glauque de falaise en falaise. Ce sont les seuls rapaces avec les chouettes, les urubus et les caracas qui vivent encore à cette altitude. Leurs traces m'ont souvent aidé à trouver des nids pendant les journées de survie.

Mes yeux se lèvent au ciel et suivent le vol courbé d'un caraca. Si les Rafales et les Bourrasques arrivent à former suffisamment de civils aux rudiments de la chasse, cela leur apportera une source de nourriture non-négligeable. Les fermiers et les agriculteurs des alentours de la ville pourraient leur apprendre comment et où trouver des plantes et des racines comestibles dans la nature et puis, avec l'arrivée du printemps, les buissons commenceront à porter des baies. Sans parler de l'apport que ça leur donnera, ça attirera les oiseaux et les autres proies qui reviendront peupler la montagne, soit encore plus de gibier à leur portée. 

Le problème reste le nombre.

Ce qui me ramène à nous. Mon estomac se resserre encore plus. Nous portons la seule solution, nous devons arriver à transmettre notre message. Si nous n'arrivons pas à atteindre les hommes des plaines, alors tous nos réfugiés, enfants et vieux comme femmes et hommes, sont tous condamnés à mort.

Et ni la mort la plus rapide, ni la plus douce.

Le poids sur mes épaules s'alourdit. Mes dents se serrent. C'est de la pure folie ! Traverser les montagnes pour trouver une civilisation dont nous ne savons rien et leur demander de l'aide, avec en tout et pour tout chacun deux gourdes, un sachet de biscuits secs et trois galettes de pain ?

Rien que survivre dans les altiplanos pendant deux jours pour nos entraînements de survie requiert énormément de vigilance et d'endurance ! Comment allons-nous pouvoir ressortir d'ici vivant ? Comment ne comdamnons-nous pas le reste de la ville en même temps que nos vies ?

Je m'ébroue pour chasser ces pensées noires de mon esprit. C'est trop tard pour ce genre de sentiments, maintenant que nous sommes engagés là-dedans, il va falloir rester en vie. Nous n'avons pas le choix. 

Je balaye du regard tous ceux qui sont avec moi dans cet enfer. Ils sont tous préparés. Physiquement et mentalement. Laaja, Kaïcha, Ash... ce sont tous des personnes qui ont dû se battre pour rester en vie dès leur enfance, des personnes qui n'abandonneront jamais, des personnes qui lutterons jusqu'à leur dernier souffle pour atteindre leur but. C'est précisément pourquoi ils sont là.

Quand à Kallol... je plisse les yeux. Personne ne sait d'où il vient ou son histoire, mais s'il y a une chose que je sais, c'est qu'on intègre pas les Rafales sans le mériter. De plus, j'ai eu l'impression que M. Jamal ne l'a pas envoyé avec nous uniquement par obligation...

Le regard du Lion - Double-âme [2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant