Chapitre 22 :

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Mes paupières se décollent difficilement. Je roule sur le côté, les muscles courbaturés. Un souffle s'échappe de mes lèvres. Je me force à ouvrir complètement les yeux et sors de mon sac de couchage. Le froid me saisis aussitôt et me donne un coup de fouet. Je m'active et enfile une couche en plus et attrape mes bottes.


L'aube se lève à peine, mais je veux m'habituer progressivement au froid. Je mange deux biscuits secs pour avoir quelque chose dans le ventre quand nous reprendrons la marche et j'enchaîne quelques foulées.

Je baisse les yeux, les autres dorment encore. La nuit a été rude. L'orage s'est arrêté vers le début du matin et trempés, nous avons du installer un campement de fortune après avoir creusé une tranchée dans la neige pour nous protéger du vent. Nous avons mangés un bout, puis j'ai rabattu ma capuche sur ma tête afin d'essayer de grappiller quelques heures de sommeil avant le lever du soleil.

Je vais les laisser dormir encore un peu... mon regard se reporte au loin. Mais nous gagnerons du temps si je pars en éclaireuse pour repérer le chemin. Je gratte une allumette, enflamme la mèche d'un de mes bâtons de cire, puis lance l'allumette dans la neige. Je m'éloigne en reconnaissance, mais un bruit étouffé m'arrête. Je dirige la lumière vers son origine et Ash lève un bras devant ses yeux. Je cache la flamme d'une main pour le distinguer sans l'éblouir. 

Il baisse son bras et fronce les sourcils.

- Où est-ce que tu vas ? Il demande, les yeux encore plissés de sommeil.

- Je pars en éclairage, il y a un problème ? Je réponds.

Il se redresse, cette fois bien réveillé.

- Ne devons rester groupés. Les montagnes sont trop dangereuses pour que tu partes toute seule dans ton coin sans que personne ne le saches...

Je me détourne et m'éloigne.

- Bien, maintenant tu le sais.

 La voix ensommeillée de Kaïcha s'élève :

- Pourquoi y a de la lumière ?

- De la lumière ? (Le sac de couchage de Laaja se froisse et s'agite. Une tête de trois mètres de long en sort). On est le matin ?

Un grognement s'élève du sac de couchage de Kallol. Je me mords la lèvre et ferme les yeux, excédée. Je me retourne vers Ash et le fusille du regard. C'est pas possible d'être un pareil boulet !

- T'es content, t'as réveillé tout le monde !

Il secoue la tête d'un air incrédule.

- Et alors ? Il est l'heure de partir.

Je me mords la langue et me force à me calmer. On doit être solidaire.

Solidaire.

Peu de temps après, nous arrivons devant la ravine. Je plisse le nez en m'approchant du vide et le souvenir d'Ash tombant en arrière me perfore la tête. Il a faillis mourir ici.

Le sommet qui nous surplombe est creusé de traînées marrons-grises, caractéristiques de la terre mise à nue après une avalanche. D'elle, il n'en reste plus aucune trace, mais je distingue ça et là des petits os d'animaux qui sont remontés à la surface avec la pluie. Nous aurions pu faire partie de ces malchanceux...

L'odeur ici est pire que la dernière fois, mélange de boue et de quelque chose d'ancien qui me donne la chair de poule. C'est comme si l'atmosphère dans cette zone était souillée par quelque chose de sanglant. Comme si les montagnes avaient été le lieu d'un horrible massacre dont il resterait encore des traces partout. Kaïcha, Laaja et moi avons le même regard. Il ne fait pas bon de rester là où son corps est nerveux.

Le regard du Lion - Double-âme [2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant