De retour au camp, la tension s'est un peu dénouée. La perspective de ramener à manger calme les esprits échauffés. Avant de partir, j'écrase les dernières baies qu'on a ramassées avec un peu d'eau et des orties. Kallol les fait chauffer dans des grandes feuilles et nous partageons la bouillie végétale où puiser notre énergie pendant la chasse, puis nous nous préparons.
Je vérifie mes carreaux. Dix. J'en avais douze au départ, je dois faire attention à ne pas en perdre plus, ces carreaux sont nos meilleures chances de survie dans les montagnes. J'accroche mon arbalète dans mon dos pour l'avoir à portée de main et affûte une dernière fois le fil de mes lames. J'enlève mes bottes et mon manteau, car même si la nuit est froide, leur frottement fera trop de bruit. Je me tourne vers Kallol.
- Tu peux me passer le paquet de tripes d'aigles, dans mon sac ?
Il me jette un regard dégoûté, comme si je lui avais demandé de plonger la tête la première dans des excréments.
- Les tripes ? Tu les as gardés ?
Je me force à me souvenir qu'il n'a sans doute jamais vidé une proie. Je le reconsidère en silence. Il n'en a sans doute jamais tué non plus. C'est un miracle qu'il soit encore vivant à ce stade du voyage...
- Oui, je réponds. Tu veux manger ? Alors donne-les-moi.
Ça parle à son ventre. Avec une moue écœurée, il hésite, puis plonge une main dans mon sac et me lance quasiment le petit paquet contenant les entrailles de l'aigle. Je le rattrape au vol.
Je m'éloigne et entreprends de badigeonner mes vêtements et ma peau de boue fraîche pour éloigner les insectes et cacher la couleur trop vive à mon goût de mes vêtements, puis je ramasse quelques brassées d'une plante odorante que j'ai remarquée aux alentours du camp et je me frotte le corps avec pour masquer l'odeur de feu de camps qui s'accroche à ma peau.
Kaïcha, Laaja, Ash et moi enduisons nos armes de l'argile glaiseuse qui constitue le sol pas loin d'une mare malheureusement imbuvable pour dissimuler leurs éclats métalliques. Puis sans un mot, on se sépare.
Kaïcha et moi partons ensemble et Laaja et Ash forment un deuxième duo. Kallol reste ici pour veiller sur le feu, puisque c'est grâce à sa fumée que nous pourrons retrouver de loin la position de notre campement. Il rajoute des branches et des poignées de feuilles vertes afin que ça fume longtemps et s'installe près du feu, sans doute pour somnoler vu la nuit qu'on a passée.
Kaïcha et moi nous éloignons en direction de l'ouest. On décide de se séparer d'une dizaine de mètres tout en restant à portée de vue afin de couvrir un plus large périmètre.
Je surveille la présence du chant des oiseaux en avançant pour savoir si nous sommes repérés comme prédateurs ou s'ils ne sont pas encore alertés de notre présence.
Sous un buisson, je relève la trace d'un animal de la taille d'un blaireau, mais il demeure invisible et ses empreintes sont à demi-effacés par la pluie. Au détour d'un sorbier, j'abats un jeune tétras en train de chercher des graines d'un carreau dans la gorge. Je le ramasse, mais sans ses plumes, il fait la moitié de son volume et il semble avoir lui aussi souffert de l'hiver. Il ne suffira pas à tous nous nourrir.
Je l'accroche dans mon dos et repars en surveillant la course du soleil dans le ciel. Le crépuscule est en train de tomber et les animaux ne vont pas tarder à sortir de leur tanière.
Au détour d'un hêtre, je tombe sur une clairière parsemée de rochers. Les traces du lapin que je suivais depuis un moment ont disparu, sans doute sous un des rochers. Les clairières sont des nids de réseaux de terriers. Je souris.
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Le regard du Lion - Double-âme [2]
Paranormal"Le plafond s'effondre au-dessus de nous. Je rafle l'enfant, bondis et la fenêtre vole en éclats devant moi. La pièce s'embrase brusquement." /!\ Ceci est le tome 2 de "Double-âme", cliquez sur mon profil pour plonger dans l'histoire des tomes précé...