Le regard du Lion - Double-âme [2]

Chapitre 8 :

Je ferme brièvement les yeux. Dyan, Takela, Kyle, Randy, Ines... ils sont toute sa vie. Il a tué pour eux et il ferait bien plus pour s'assurer qu'ils vivent. Se rendre compte qu'il pourrait les abandonner pour une personne qu'il a rencontré il y a quelques semaines... c'est difficile à vivre.

- Ash... je murmure en baissant les paupières. Les émotions, c'est incontrôlable. Tu peux te sentir coupable pour elles autant que tu voudras, ça ne les modifiera pas. Que ce soit le manque d'argent de ta famille ou le fait que je sois allée de mon plein-gré au Loup Blanc, tu n'as aucun contrôle dessus. Arrête de te sentir coupable, je grogne. Tu te bats pour qu'ils survivent depuis si longtemps, c'est toi qui les nourrit, c'est toi qui les garde en vie ! Ce que tu ressens, le plus tôt tu l'acceptes, le mieux ce sera pour toi. Ce n'est pas de ta faute si tu as vu ta famille lion se faire brûler vif et que tu as été le seul à avoir réussi à survivre, c'est le feu qui les as tué, pas toi ! Tu fais du bien autour de toi, Ash. Plus de bien que de mal.

Sa tête se lève vers moi et ses iris ambrés scintillent sous le rai de lumière avec une étrange émotion sur le visage. Comme s'il posait le regard sur un animal fantastique, inconnu, dont il essayait de percer un secret.

- Tu m'impressionnes.

Brusquement, je me sens intimidé. Je n'avais jamais senti ce regard si sérieux sur moi...

Je me racle la gorge.

- Que t'ont-ils fait au Bloc ? Je dis en baissant les yeux. Ils t'ont endormi ?

Son visage est plus tiré qu'avant, mais la seule trace visible de son excursion là-bas est ce bandage vide d'humanité. Mes mâchoires se crispent. Qu'est-ce que ma présence lui réserve encore dans le futur ? Il ne semble pas s'en rendre compte et ses yeux se détournent au sol, se remémorant un endroit duquel j'ai été exclue.

- Non. Je les voyais manipuler tous leurs... outils, mais j'ai eu droit à des anesthésiants locaux au niveau du front quand ils estimaient que c'était insupportable (Sa main se crispe. Mes dents se serrent. Traduction : quand il hurlait trop fort.). J'avais l'impression de devenir fou des fois, il avoue dans un souffle, les yeux dans le vague. Je me suis évanoui plusieurs fois...

Mes mains se resserrent autour du lit en bois. Il avait des anesthésiants, parfois. Les anesthésiants sont chers. On ne les utilise que par très petites doses dans les cas où c'est nécessaire. Mais je ne voulais pas y penser.

Maintenant que ses mots sont là, je ne peux pas me voiler l'esprit. Ils lui ont charcuté la chair pendant qu'il sentait tout. Je sais que ce n'est pas leur faute, mais ça ne change rien aux faits. Mes narines se dilatent. Ma lèvre supérieure se relève par soubresaut. Putain, mais qu'est-ce que j'ai fais pour être aussi faible dans les montagnes ?! La rage pure coule dans mes membres, aussi brûlante que la lave. Son regard est distant, lointain. Je lui serre fort le poignet et le compresse brusquement dans mes bras.

J'avais déjà remarqué ses cernes, mais de près, elles sont encore plus marquées. Il n'a pas dormit beaucoup, ces derniers jours. Je sais qu'à ce moment, je ferais tout pour effacer ce regard, ce poids qui pèse dans ma poitrine.

- Je vais te faire oublier ça, je mi-souffle mi-grogne.

Malgré la tristesse au fond de ses iris, il essaye d'avoir l'air amusé. C'est ce qui est le plus dur à voir.

- Je ne demande qu'à voir...

Ses yeux aimantent les miens et je n'ai plus le choix de reculer. Je puise tout le poison de mon cœur. Il ne doit plus y penser. Je lui attrape le cou et l'embrasse. Je mets dedans toute la force de ma peur et de ma colère de ces derniers jours. Quand je me détache de lui, il ne me lâche plus des yeux.