Chapitre 37 :

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Laaja enfourne une poignée d'écorces dans sa bouche et mâche pour en préparer un énième cataplasme. Elle a passé la nuit à nous soigner et c'est uniquement grâce à ses soins que je suis encore vivante, même si je reste très faible. Je ne suis pas la seule. Kaïcha peut à peine se lever et Ash boite sévèrement. La chair de sa cuisse était complètement déchirée quand je l'ai entraperçu ce matin. L'éclat blanc au fond n'indiquait rien de bon.

Laaja a nettoyé la plaie comme elle le pouvait et serré sa cuisse dans un bandage épais et très serré. Pour l'instant, elle m'a dit qu'elle ne pouvait rien faire d'autres. Néanmoins, la première chose qu'a faite Ash dès qu'il a été réveillé a été d'aller chercher ses flèches perdues... entre celles cassées et celles restées plantées dans la fourrure des loups, je doute qu'il n'en retrouvera pas plus de quelques-unes.

Ce matin, Kallol a fabriqué une sorte d'attelle en bois avec deux bâtons solides qu'il a bloqué dans la chaussure d'Ash de chaque côté de la jambe. Le Lion l'a attaché avec de la ficelle pour qu'il puisse marcher plus facilement. Son boitement risque cependant d'être problématique pour les journées de marche qui nous attendent.

De toute façon, pour l'instant, nous sommes plaqués au camp. Dans notre état pitoyable, nous ne serions pas capables de faire cent mètres. On a décidé de rester ici aujourd'hui pour reprendre des forces et repartir quand la cicatrisation de nos blessures nous le permettra. J'espère qu'au moins, dans deux jours, nous pourrons lever le camp. Quelle perte de temps.

- Eh ben, ce loup-ci ne t'as pas raté, commente Laaja en étalant doucement le cataplasme sur une griffure à mon dos.

Je grimace alors que la sensation de brûlure s'intensifie. Aucun ne m'a raté. Je serre les dents. Je me suis réveillée très tard ce matin en ayant l'impression d'avoir été mâchée puis recrachée vivante avant d'être piétinée par un troupeau de buffle - obèse. J'ai connu meilleur réveil. Néanmoins, le pire est passé, les prochains jours vont simplement décider si mon corps s'en remettra bien ou non.

- Sérieusement, j'ai l'impression que tous les loups de la joyeuse troupe ont tenu à te laisser un autographe à vie... lance Laaja.

- Les paparazzis sont de plus en plus sauvages, de nos jours.

Kallol est parti chercher du bois pour réalimenter le feu sur lequel nous faisons fumer les loups. Ash nettoie leur peau et Kaïcha les tanne, plus loin. L'exercice est difficile, mais permet de garder leurs corps immobile. Nous avons récupéré le corps de trois loups que nous avons tués cette nuit, un de petite taille à fourrure noire, la louve blanche et l'alpha. Kallol a monté leur corps dans un arbre cette nuit pour que les vers ne s'en occupent pas et je m'occupe de les dépecer pour faire fumer la viande afin qu'elle se conserve bien. Je préférerais ne pas laisser la nourriture dehors pour ne pas attirer les animaux, mais je compte sur la présence du feu pour les tenir à distance.

- L'odeur de viande en train de cuire doit régner au paradis, dit Laaja en reniflant l'air avec gourmandise.

Nous avons finis le lièvre d'Ash et les cuisses du renard hier, maintenant que nous avons un apport inespéré de viande fraîche tout droit tombé dans nos bras. Nous pouvons consommer le produit de notre chasse d'hier sans modération afin de reprendre des forces et se remettre sur pied plus vite. Je contemple nos silhouettes courbées, cassées et la peur s'accroche encore plus à mon ventre. Mes doigts se crispent. Nous sommes dans un si mauvais état... je ferme les yeux et grogne. Il faut pas que je tombe dans le cercle des pensées négatives ! Notre état est désastreux, mais au moins ce matin nous ne nous sommes pas réveillés avec des vertiges de faim. Avec les flancs, le ventre et le dos du renard et les trois loups, nous pouvons tenir une semaine entière sans avoir à chasser.

Le regard du Lion - Double-âme [2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant