Chapitre 42 :

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Des champignons blancs se déploient dans le ciel en contrebas.

Les soldats qui ont sautés sont soudainement freinés dans leur chute. L'hélicoptère n'étant pas assez grand pour nous tous, ils sont restés accrochés à une échelle qui pendait dans le vide durant tout le trajet, mais cela ne leur a pas semblé poser le moindre problème.

Sauter non plus, apparemment.

Des fous. On est tombés sur des fous !

Je jette un énième coup d'œil derrière. Nous occupons toutes les places, dont trois prisent par Kaïcha allongée à l'arrière. Liban s'est mis à côté d'elle pour l'examiner et la surveiller pendant le voyage, encadré par quatre gardes. Depuis quelques minutes, il parle rapidement en une langue inconnue dans son oreillette. Son regard est maintenant concentré, comme s'il écoutait une réponse. Mes yeux glissent sur son oreille. Les oreillettes sont quelque chose de très rare à Braçalia. Seules les aristocrates de la ville ont les moyens de s'acheter de tels objets, et encore, uniquement comme objets de collections. Ici, tous les gardes semblent en posséder.

Kaïcha parait si petite et si maigre entre eux, comme si c'était une fille normale et non pas une fille avec un mental d'acier et une intelligence hors pair. Comme si je pouvais la perdre à n'importe quel moment.

Putain, c'est terrifiant.

Elle a l'air si loin de tous les soucis que nous avons rencontrés récemment. Mais ce n'est pas vraiment elle. Cette Kaïcha-là est aussi pâle et immobile qu'une statue de cire. La peur que j'ai enfermée dans une cage s'agite tellement que j'ai l'impression qu'elle me secoue de l'intérieur. Et si elle restait comme ça pour toujours ? Une émotion violente et profonde bloque mon souffle. Et si... ?

- Shari.

Je relève le regard. Les yeux d'Ash me fixent, et je vois toutes les images qu'ils reflètent : Kaïcha chassant l'aigle dans la neige, m'enlaçant après être ressorti du tunnel à l'air libre, se battant dos à dos avec moi contre les loups.

Sa confiance en sa capacité de survie me rassure un peu. Il me dévisage un peu trop longtemps et l'ambiance devient pesante, crépitante. Étouffante. Je n'arrive pas à détacher mes yeux des siens, fiévreux. Une chaleur fumeuse m'envahit rapidement.

Je me racle la gorge et sors une sorte de barre sucrée collante que Liban nous a distribué dans l'hélicoptère pour me distraire. D'abord, il veut nous soigner, ensuite, nous engraisser... je ne compte pas finir dans l'abattoir. Je ne sais  pas où nous allons, mais nous n'avons pas le choix. je faiblis d'heures en heures et Kaïcha me fait vraiment peur.

Je renifle le barre alimentaire par rélfexe, mais je ne sens aucune odeur suspecte. Je frotte le bout sur mon poignet et attends, mais ma peau n'a aucune réaction, alors je fais la même chose sur mes lèvres. Comme je ne sens aucun picotement ou réaction anormale, j'en mâche finalement un morceau qui s'attache à mes dents comme de la colle. C'est très énervant. Une fois que je suis arrivée à le détacher, je mords en plein dedans et m'étouffe à moitié pour ne pas le recracher aussitôt.

C'est hyper fort ! Je sais pas ce que c'est, mais c'est écœurant. Je me force à ne pas vomir, mâche, avale et reprends une autre bouchée. J'ai besoin d'énergie, et je veux économiser la viande qu'il nous reste. Même si Liban et ses guerriers n'ont pas l'air affamés, je doute qu'ils partageront leur réserve de nourriture avec nous.

Je regarde par la fenêtre en finissant avec peine la barre. Cela ne me donne pas beaucoup d'informations sur là où nous sommes : le paysage se compose essentiellement d'une forêt haute et très verte, de plus en plus vert pâle et plate, depuis plusieurs heures. Je n'ai vu aucun village, ni traces de civilisation depuis que nous sommes partis, si bien que je me demande si Liban ne nous ment pas. Si c'est le cas, nous sommes dans une très mauvaise position. Je maudis ces loups.

Le regard du Lion - Double-âme [2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant