74. Uppercut de classe

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JULIETTE

J'étais légère comme une plume.

Je retrouvais ma grand-mère d'amour aux frontières du hall de l'hôpital, où des journalistes avaient envahi l'espace, attendant l'intervention du Président Meunier. Quelques membres de l'équipe médicale étaient également présents. Et tout le staff officiel du gouvernement organisait l'offensive. J'étais excitée à l'idée de savoir que Damen et son armée préparaient, eux, la contre-offensive. Ça allait être épique.

— Comment vas-tu, mon lapin ?

Je la pris dans mes bras. Elle avait besoin d'être rassurée autant que moi.

— Beaucoup mieux à présent. Merci d'être toujours là pour moi, grand-mère.

Elle caressa mes cheveux, ma joue. Je pris sa main entre la mienne et la pressai contre moi.

— Et ton amie ? me demanda-t-elle.

— Elle va bien. J'ai une requête.

Elle me regarda avec intrigue. Je savais déjà que ce que j'allais lui demander la crisperait.

— J'ai créé un fond pour les victimes de l'attentat.

— Oui...

— Pour marquer le coup et son importance, je veux faire le premier don. Et...

— Non ! me dit-elle en comprenant où je voulais en venir. Non, absolument pas !

— Grand-mère, je n'utilise jamais cet argent. J'ai un salaire à décent et je suis rentière !

— Non. Tu as récemment vécu des choses traumatisantes. Tu es bouleversée. Je sais que tu veux aider, mais tu n'es pas en état de prendre des décisions de ce genre.

— Des décisions humaines, tu veux dire ?

— Des décisions à six millions d'euros ! susurra-t-elle en colère. Je suis désolée, mais non. Laisse-toi réfléchir à tête reposée et ensuite, on en rediscutera avec Gautier, si tu veux.

Je soupirais et croisais les bras. Elle plissa les yeux car elle me connaissait par coeur, et là, elle savait que j'adoptais ma position de cheffe des accords.

— Très bien. Alors ma rente sur les quinze prochaines années, proposai-je. C'est l'équivalent.

Elle grogna et crispa ses doigts au niveau de sa tête.

— Deux, négocia-t-elle. Et si tu veux compléter le reste, appelle le père de ta mère. Siphonne son argent à lui. Il sera ravi d'être ta banque humaine et ça me fera plaisir que tu dépouilles ce vieux bout de gigot.

Je m'esclaffai.

— Grand-mère, mauvaise langue. Le gigot a été ton seul repas pendant de longues années !

— Oui. Et c'était le pire régime que j'ai fait ! Mais à l'inverse, quand j'ai rencontré Gautier... je n'avais plus besoin d'en faire parce que j'ai très vite découvert les bienfaits du sport de chambre. Et je peux te dire qu'aujourd'hui encore, nous restons des adeptes très très assidus.

Je manquai de m'étouffer et me couvris les yeux, comme si ça pouvait m'empêcher d'imaginer.

— Oh nan, grand-mère ! Burk, burk, burk !

Elle me tapota l'épaule.

— Regarde. C'est le Président Meunier.

Je levai le regard pour voir la foule s'agiter. Un convoi de gardes du corps et de proches se déplaçaient au-devant. Au milieu d'eux, Léonard Meunier, en grand patron imbu, avançait, tout fier. Le menton redressé, il serrait la main à droite, saluait à gauche, remerciait le personnel et les journalistes. En star, il monta sur le pupitre de fortune qu'on avait rapidement monté.

Before StormOù les histoires vivent. Découvrez maintenant