69. Le faux-calme (partie 2)

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DAMEN

Nacim se tenait devant nous. Il sortait de nulle part et avait réussi à se faufiler dans ce sous-sol sans qu'aucun de mes gardes-du-corps ne le remarque. C'était un pro en la matière, je ne pouvais lui enlever ça.

— Ça va aller, dis-je aux gars.

Juliette me tenait fermement. Sa dernière rencontre avec Nacim ne s'était pas déroulée dans les meilleures circonstances qui soient. Il l'avait heurté et essayé d'en finir avec sa vie par la même occasion. Même s'il ne réitérerait jamais une telle erreur, je restai devant elle pour la rassurer. Ce que son œil de lynx ne manqua pas de remarquer. Je ne savais pas s'il était blessé ou aigri par ma posture défensive, mais il baissa les yeux et observa le béton terne entre nous. Il n'avait pas pris de bain de soleil depuis des lustres. Lui qui avait toujours eu cette peau mate, n'était plus qu'un pauvre vampire au visage creusé.

— Je ne suis pas là pour...

Il interrompit sa phrase. Comme à chaque fois que je l'avais croisé, il avait les pensées désordonnées, entre les fragments de son passé et les pièces de son présent.

— Y'a un truc. Un truc qui se prépare. Mais je sais pas quoi.

Bien sûr, je n'allais pas lui dire que c'était un piège. Qu'on avait envoyé de faux signaux pour réussir à mettre la main sur lui.

— Je suis sûr que tout va bien, Nacim. Ça irait encore mieux si tu venais avec moi.

Il grimaça ouvertement, secoua la tête, repoussant cette idée et plein d'autres.

— Non, tu ne comprends pas ! gueula-t-il et Juliette sursauta. Tout le monde se mit sur ses gardes, sa présence et son instabilité émotionnelle inquiétaient et il s'en aperçut. C'est autre chose, reprit-il. Ils interceptent des mails, des messages, dans cet immeuble. J'ai pas détecté le site d'atterrissage, mais tu sais aussi bien que moi : si t'as un intermédiaire, c'est que quelque part t'as un destinataire.

Lucas Germain, le parfait exemple. Mais quelque chose me perturba dans ce qu'il venait de dire. Dans notre piège, Juliette et moi avions fait en sorte qu'il ait une destination, plutôt qu'un destinataire. Et il n'avait pas l'air d'être sur cette longueur-ci.

— Un espion ? indiqua Juliette.

Le regard de mon doux chaton me disait qu'elle avait cerné le fond de sa pensée. Alors elle se dégagea et fouilla dans son sac.

— Nacim...

Elle sortit un papier et un stylo en se rapprochant de lui. C'était la seconde fois qu'ils étaient aussi proches l'un de l'autre, et comparé à la première fois, c'est lui qui se sentit agressé.

— Je peux trouver de qui il s'agit si vous me donnez plus de détails. Je...

Il recula et grogna, évitant délibérément de la regarder et de lui parler.

— Nacim ! le rappelai-je à l'ordre, comme un caporal-chef le faisait avec un sous-officier. C'est mon amarre.

Il bomba légèrement le buste et me lança un regard emplit de colère.

— Pas autorisé ! cracha-t-il. C'est la fille de notre ennemi !

— Et ma future femme ! aboyai-je en faisant un pas vers lui. On peut aussi discuter de ses céréales préférées ou de la couleur de ses rideaux, mais pas sûr qu'à partir de ces informations tu puisses réellement être en droit de la juger ! Pas sûr que je te le permette également !

Il me regarda droit dans les yeux. J'avais réussi à reprendre l'ascendant. Maintenant, il fallait que je le conserve au maximum avant qu'il ne s'enfuie la queue entre les jambes.

Before StormOù les histoires vivent. Découvrez maintenant