Chapitre 73

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Je posai ma main sur son épaule, le faisant sursauter. Il se retourna le visage surpris, m'ayant reconnu. Un grand sourire éclatant vint éclairer tout son être.

— Je m'en vais, ça y est, je suis guéri. Oh Lucile, vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis heureux de rentrer chez moi, dit-il à tout vitesse

— Je vous comprends, chacun ici souhaiterait avoir cette chance, souris-je en retour

— Accepteriez-vous de m'accompagner à la gare ? Je dois avouer que je ne connais pas les alentours de ce charmant paysage. Il faut dire aussi, que je suis arrivé, à moitié inconscient dans une ambulance dans laquelle je croyais mourir avec toutes ses secousses.

— Bien sûr, elle n'est pas très loin. Ce n'est qu'à quelques minutes à pied. À quelle heure est votre train?

— Dans une quarantaine de minutes, mais je veux arriver en avance pour respirer le bon air frais du charbon qui se consume, le sifflet du contrôleur, enfin renouer avec toutes ses habitudes que j'ai perdues.

— Voulez-vous que je vous aide avec vos affaires ? Je peux vous aider à les porter peut être ? demandai-je poliment.

— Certainement pas, qui suis-je pour vous faire porter ce sac qui ne contient que deux pièces de vêtements. Ne vous en faites pas, j'ai retrouvé toutes mes forces. Mais, en tout cas, je suis heureux que vous vous inquiétiez pour moi, me taquinait-il

— Bien sûr que je me soucis de vous. Je ne vous ai pas couvé depuis des mois pour vous voir tomber raide mort à cause d'un sac trop lourd, me défendis-je.

Un sourire de plus vint se coller sur son visage. Je ne pensais vraiment pas qu'un homme pouvait sourire autant avant d'avoir connu Antoine.

— Bon et bien, je crois que j'ai tout. Nous pouvons y aller, m'annonça-t-il.

Nous prenons donc le chemin des escaliers quand soudain, nous vîmes cette maladie pestilentielle qu'était Claude. Elle me donnait la nausée rien qu'à sa simple vue. Antoine avait dû sentir mes muscles se contracter puisqu'il lui lança la pique parfaite.

— Ah au fait, infirmière, enfin dois-je vraiment vous nommer comme telle, parce que vous ne remplissez pas les tâches. Vous êtes vraiment gauche. Sachez que je n'oublierai jamais cette belle vision. Vous savez, le moment où je vous ai surpris avec ce soldat, Farnier je crois. Vous devez sûrement le savoir mais forniquer avec un homme marié, ce n'est pas être un bon chrétien. Enfin, je dis ça, mais chacun vit sa vie comme il l'entend. Et puis, vous devriez faire vite, il drague en ce moment la jeune Sophie. Je crois qu'il la voit, un peu comme vous. Allez bonne chance pour la suite, la salua-t-il d'un coup de main.

Claude avait blêmi d'un trait. Cette vue combla mon cœur d'un bonheur immense. Je l'avais ma revanche sur cette teigne. Elle qui se vantait d'avoir la réincarnation de Dieu en elle, on pouvait plutôt dire que c'était autre chose qui l'habitait de temps à autre. On s'échappa de l'hôpital le plus rapidement possible afin de ne pas être poursuivis par cette folle de Claude. Le chemin jusqu'à la gare se fit dans la gaieté et la légèreté. Nous nous racontions des beaux souvenirs et nous riions d'anecdotes plus honteuses les uns que les autres. Antoine me donnait vraiment cet effet de bouffé d'oxygène. Il apportait la bonne humeur rien qu'avec sa présence. C'était un homme qui faisait tomber toutes les femmes. Il avait toutes les qualités requises pour les combler.

— Sauf vous ! Vous, je n'ai pas réussi à vous charmer, à mon plus grand désarroi, me confia-t-il.

Je m'arrêtai, stupéfaite par ce qu'il venait de me lâcher. Comment avait-il fait pour deviner mes dires ?

— Vous faites ça parfois, je veux dire parler à haute voix. Je ne vous l'ai jamais dit car je pouvais connaître vos pensées et vos avis lorsque vous refusiez de les partager. Je vous rassure, vous n'avez jamais rien dit de déplacé ou autre. Même si, je vous avoue que j'aurai bien aimé vous entendre dire que j'avais un corps de dieu grec, hélas, vous n'en avait rien fait, plaisanta-t-il.

— Je... c'est très....

— Allons, ne vous en faites pas, ça en rajoute à votre charme. Nous sommes arrivés, le train ne devrait pas tarder. Je préfère monter directement. Je n'aime pas les adieux larmoyants, si ça ne vous dérange pas.

— Non, non bien sûr, on se quittera en toute simplicité, le rassurai-je

— Bien.

Un silence inconfortable s'installa entre nous. Je n'osais plus parler et même ne plus penser pour éviter un autre partage envers Antoine.

Dire que je pensais à voix haute, non mais quelle idée Lucile !

— Mon train est bientôt là, je crois que c'est le moment de se dire au revoir, m'annonça-t-il mal à l'aise.

— Je le crois aussi.

Personne n'osa faire le premier pas pour réagir. Nous restâmes comme deux imbéciles à nous lancer des regards sans parler.

— Oh et puis merde, si je ne le fais pas maintenant, je ne le ferai jamais.

— De quoi parlez-v..

Je fus coupée par ses lèvres charnues qui vinrent prendre possession des miennes. Il prit en coupe mon visage et intensifia le baiser. Je tentais de réagir de la moindre possibilité pour me tirer de cette affaire, mais mon cœur contra ma raison en répondant à cette danse sensuelle. Il essayait de transmettre tous ses sentiments, je perçus de l'attraction, de l'envie, tantôt remplacé par de la jalousie, de la rancœur, et puis une grande peine. Doucement, nous nous écartâmes, encore chamboulé par cet acte irréfléchi.

— Vous êtes un diamant brut Lucile, une rose magnifique qui ne s'est pas encore épanouie. Vous méritez le bonheur, la joie et surtout le grand amour. Ne vous laissez pas dominer par des êtres qui ne vous méritent pas. Vous valez bien mieux que toutes personnes que vous avez côtoyé jadis. Vivez Lucile, vivez le plus de choses possibles. Vous êtes une créature enchantée et c'est pour ça que j'ai été fasciné par votre aura. Promettez-moi de ne jamais vous laisser abattre.

— Je vous le promets.

Il me lança un dernier sourire qui cachait une toute autre émotion avant d'être englouti par la pénombre du train. Antoine s'en était allé, me laissant penaude avec ce baiser et ces mots que personne n'avait encore prononcés à mon encontre.

SUITE ALLEMANDEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant