Chapitre 15

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Comment vous appelez-vous ? lui demandais-je doucement 

Er-er-ich.

Erich ?

Oui

Enchantée.

Quoi être ton nom de famille ?

Je me redressai, surprise pas sa question mais surtout par son élocution. Il avait un accent et n'arrivait pas à bien parler français. Je compris vite qu'il n'était pas français mais allemand. Malgré son expression approximatif, j'avais reconnu cet accent. J'aurai pu le reconnaître entre mille, il était allemand.

Que faites-vous ici ? si on apprend que vous êtes allemand, ils vous tueront.

Tu pas dire, me disait-il droit dans les yeux 

Pourquoi êtes-vous là ?

Moi être ici car moi blessé. Lucile quoi être ton nom de famille ?

Pourquoi voulez-vous le savoir ?

S'il-te-plaît.

Angellier

Lucile Angellier de Bussy ?

Je fus une fois de plus surprise. Comment me connaissait-il?

Oui, qui êtes-vous ? Comment me connaissez-vous ?

Je suis Erich Franz, j'ai être à Bussy avant, sous ordre Bruno.

Mon cœur rata un battement. Bruno. C'était un prénom que je ne comptais plus entendre. Mon esprit divagua vers le souvenir de ces quelques semaines passées avec lui. Le bonheur et la liberté que j'avais ressentis.

Dans ses bras, je me sentais femme, aimée et respectée. Les sentiments que je ressentais pour lui étaient bien plus forts que ceux que je croyais être pour Gaston. Mais la guerre avait-elle eu la clémence de lui laisser la vie ?

Avez vous des nouvelles de lui ? Comment va-t-il ?

Il est bien, reparti en Allemagne. Dernière lettre il y a deux semaines.

Avez-vous la lettre sur vous ?

Oui in meinem Schuh. me dit-il en indiquant sa chaussure au pied du lit.

Je pris l'objet dans la chaussure et découvris l'enveloppe. Elle était usée et trouée à quelques endroits. Je l'ouvris et découvris l'écriture fine et élégante de Bruno.

Mon cher Erich,

J'espère que tu es toujours en vie. La situation se détériore, beaucoup parlent de l'arrivée des Américains sur le sol français. Tu sais ce que ça signifie, méfie-toi des autres. Sois proche de tes amis mais encore plus de tes ennemis. Nous avons tous peur et Dieu seul sait ce que les hommes sont capables de faire quand la peur s'empare de leurs corps. Demain je dois repartir en France, dans un village pour m'occuper des résistants. La semaine dernière j'ai pu retourner quelques jours dans notre ville. J'ai revu ta famille et pu leur faire part de ta situation. Ta maman était heureuse et soulagée de te savoir encore en vie. Ta sœur a accouché d'une magnifique petite fille prénommée Erna. Tes parents prient constamment pour toi. Mais ne t'inquiètes pas, ils s'accrochent quand même à la vie.

Reste le plus longtemps en vie, nous nous retrouverons mon frère

Que Dieu te protège mon ami

Bruno

Après cette lecture, je fondis en larmes. Je m'étais toujours dit que Bruno était mort, de maladie ou de blessure. Le savoir en vie me pousse davantage à me battre pour le retrouver.

Lui avez-vous répondu ?

Non, pas le temps.

Puis-je le faire à votre place ?

Oui mais surveillez.

Merci, reposez vous et surtout restez dans votre mutisme, sinon les autres comprendront.

Il me fit un signe de tête et je partis. Je mis la lettre dans ma poche et continuai ma visite. Je répondrai quand je serai rentrée.

En fin d'après midi, je quittai l'hôpital et rentrai rapidement chez moi. Quand je rentrai, Juliette était affairée à la cuisine. Je m'assis à la table et sortis l'enveloppe pour la fixer. Je ne savais que faire, lui écrire, la redonner à Erich et oublier toute cette histoire ? Peut-être que Bruno m'avait oublié ou qu'il ne voulait plus avoir à faire à moi ? C'est vrai plus d'une fois il avait trahi sa nation et son devoir pour m'aider. J'avais envie de lui parler mais lui le voulait-il ? Je ne pouvais être égoïste. Juliette me regarda surprise, jamais elle ne m'avait dans une telle position. Il est vrai que je m'efforçais toujours de paraître joyeuse et heureuse.

Lucile, est ce que tout va bien ?

Un allemand séjourne à l'hôpital.

Un allemand, dis-tu ? Les médecins le savent ? N'avons-nous pas intérêt de les chasser plutôt que de les soigner ?

Ce n'est pas n'importe quel allemand. Il était à Bussy quand j'y étais encore, sous les ordres de Bruno.

Bruno, le lieutenant ?

Oui.

Que s'est-il passé ?

Il m'a reconnu, enfin grâce à mon nom. Il m'a parlé de lui et m'a donné une lettre.

Que dit–elle ?

Qu'il est toujours vivant. J'ai un moyen de le contacter.

Qu'attends-tu pour t'y mettre. Dépêche-toi, plus vite tu l'auras écrite, plus vite il la lira.

Mais s'il m'a oublié ou qu'il ne veuille pas me parler ?

Vu tout ce que tu m'as dit sur lui et sur votre relation, j'en doute.

Mais...

Il n'y a pas de mais, tu verras bien comment ça se passe.

SUITE ALLEMANDEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant