Chapitre 51

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Suzanne continua son chemin sans rien me répondre, montant les marches dans un calme absolu. Je me retrouvai une fois de plus seule dans le salon à réfléchir sur le mensonge que j'allais devoir donner à mes parents pour les empêcher d'aller la voir.

Finalement, j'avais réussi à en trouver un bon. Mes parents s'étaient résolus, bien qu'ils avaient une grande envie de passer un savon à Suzanne. S'ils avaient vu son visage, ce désir serait parti en un rien de temps. Le lendemain, tout semblait calme. Il était à peu près huit heures lorsque, accompagnée de mes parents, je descendais prendre le petit-déjeuner. Suzanne était restée dans chambre. J'avais réussi à intercepter mon père et ma mère avant qu'ils ne rentrent dans sa chambre.

Le repas se passa dans le plus grand des silences. Ils attendaient ma sœur pour lui passer un savon. Je redoutais encore une fois cette rencontre. Puisque que nous avions presque fini, ma sœur en profita pour se montrer en plein jour. Ma mère laissa tomber son morceau de main et mon père reposa sa tasse de café qu'il comptait boire. Le visage de ma Suzanne ne s'était pas arrangé pendant la nuit, bien au contraire. On ne pouvait même plus remarquer ses traits doux. Ma mère fut la première à réagir. Elle se leva en larmes et la serra dans bras.

— Oh ma zannette, qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Qui t'a fait ça ?

— Camille, tu devrais la laisser respirer, installe la sur la chaise. Elle est toute blanche, ordonna mon père.

Ma mère la laissa à contre cœur. Elle l'aida à l'installer près du feu et attendit que ma sœur veuille bien parler.

— Je... Il... enfin..., commença ma sœur les larmes aux yeux.

— Respire ma puce. Calme-toi. Pense à ta respiration. Prends ton temps, tenta de l'apaiser mon père.

— Je veux plus jamais le revoir, murmura Suzanne entre deux sanglots.

— De qui tu parles, mon ange ?

— Paul, souffla-t-elle.

— Paul ? Le fils du boulanger ?

— Oui.

— Que t'a-t-il fait ? Réponds-moi ! dis ma mère la secouant doucement, ne pouvant se retenir en comprenant l'ampleur de la situation.

— Je ne voulais pas le faire. Je lui ai répété plusieurs fois, mais il ne m'a pas écouté. Il m'a forcée. J'ai eu beau pleurer, crier, hurler, je n'avais pas la force de le repousser. Il m'a bloqué les pieds et les mains avec une corde. Je n'avais pas d'autre solution que de me soumettre. J'ai fermé les yeux essayant de penser à autre chose mais ça me faisait tellement mal, révéla-t-elle d'une traite.

Ma mère s'éloigna et de grosses larmes vinrent parcourir ses joues. Quant à mon père, il ferma les yeux en retenant ses larmes du mieux qu'il pu. Moi ? Et bien j'étais trop sonnée pour réagir. Apprendre que sa sœur a été la victime d'une brute était tellement inimaginable. Pourtant, c'était la réalité. Ma sœur avait été violée. De plus, son agresseur était le fils du meilleur ami de mon père. À ce moment-là, rien ne pouvait être pire.

— Bernard, il faut qu'on agisse. On va aller voir les gendarmes. Cette ordure doit payer, affirma ma mère absorbée par la rage.

— Lucile, prends soin de ta sœur. Camille, on y va de ce pas. continua mon père.

Fin du flashback

J'avais lancé cette histoire avec un débit de parole important. Je ne croyais même pas qu'Antoine m'avait compris. Quand bien même, il avait compris, personne ne pouvait admettre comment une jeune fille aussi pure comme ma sœur avait pu se retrouver dans une telle situation. Je sentis mes larmes couler sur mes joues me laissant une marque salée. D'un coup de pouce, Antoine les fit disparaître.

— Je vois bien que vous vous en voulez, mais vous n'y êtes pour rien. Vous ne pouviez pas savoir ce qui allait se passer ce jour-là me rassura-t-il du mieux qu'il pu.

— Peut être mais une partie de moi culpabilise. C'est ainsi que marche le monde. On a beau ne pas être coupable d'un fait, on s'en voudra toujours du malheur qui arrive aux personnes qu'on aime.

Il me regarda, les yeux bien ancrés dans les miens. Tout un tas de choses se passa sans que je puisse les déchiffrer. C'était tellement perturbant.

— Je crois qu'on a eu notre lot d'émotion aujourd'hui. Je vais vous vous laisser. Vous devriez vous reposer. Je reviendrai demain ou après-demain, le saluai-je, pressée de rentrer, sentant à nouveau ce sentiment que j'avais lorsque je repensais à ma sœur.

Je partis sans lui laisser la possibilité de me répondre. Le chemin parut interminable. Je commençais vraiment à broyer du noir. Non ça ne pouvait pas recommencer, pas encore.

SUITE ALLEMANDEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant