Chapitre 84

133 9 0
                                    

Je reconnus sans peine la voix grasse de Gaston, ce qui me procura des frissons. Il n'était pas venu pour demander des nouvelles, bien au contraire.

— Je suis désolée, elle n'est pas là en ce moment. Je ne sais pas où elle est d'ailleurs, mentit-elle.

Je sentis mes muscles se contracter d'un coup. J'appréciais la démarche de Juliette de m'aider, mais je savais que c'était peine perdue. Gaston était du genre tenace s'il n'avait pas ce qu'il voulait par la méthode douce, il ré-essayerait plusieurs fois en utilisant la force. J'en avais parfois fait les frais. Je marchai vers la porte d'entrée pour me livrer, mais me retrouvai bloquée par la main de mon amie, bien décidée à ne pas me laisser sortir.

— Je comprends le fait que vous essayez d'aider Lucile, mais je suis son mari. C'est mon droit de la voir, renchérit Gaston.

— Oh, je suis tout à fait d'accord avec vous, cependant, elle n'est pas là. Elle est partie chez une vieille amie pour lui tenir compagnie. C'est une vieille dame vous comprenez.

— Je croyais que vous ne saviez pas où elle était, répondit-il affichant sûrement un air de vainqueur.

— Je viens de m'en souvenir. Si vous voulez, nous organisons une petite fête dans le bourg, nous pouvons y aller et l'attendre, suggéra Juliette pour gagner du temps.

— Je regrette, je viens justement et on m'a dit l'avoir vu être traînée par vous dans votre maison, donc elle doit y être encore.

— Non, elle... elle...

— Vous ne savez pas mentir chère madame. Maintenant, si vous permettez je vais aller la chercher. J'ai fait une longue route pour voir ma femme, je ne vais pas me laisser rembarrer par je ne sais qui, commença-t-il à ronchonner.

Je le sentais bouillir. Il n'allait pas tenir très longtemps. Ne voulant pas qu'un drame se produise, je forçai le passage et me tins devant Gaston, le menton relevé. Je ne voulais pas qu'il voit que je tremblais intérieurement.

— Je vois que tu es là finalement, je suis content de te voir après tout ce temps, me salua-t-il faussement.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

— Je suis venue te voir, je reste ton mari après tout. La guerre n'a pas réussi à me tuer, comme tu le vois.

— Que fais-tu là réellement ? demandai-je sans douceur.

— Je viens te récupérer et te remettre dans le droit chemin. Tu ne peux pas savoir à quel point j'ai été surpris quand mère m'a appris tous tes dérapages, à commencer par cet Allemand jusqu'à ton départ ici.

— Je n'ai rien à te dire. Certes on est marié, mais plus pour très longtemps, je compte demander le divorce très rapidement.

— Et tu crois que je vais te laisser faire ? Je crois que j'ai mon mot à dire.

Le ton commença à monter entre nous. Je le voyais étonné de me voir lui répondre avec ce courage. Bien sûr, j'habitais un petit village où la moindre agitation surprenait tout le monde. De ce fait la fête n'avait plus l'air d'intéresser qui que ce soit, ils s'étaient tous rapprochés pour nous entendre. Gênée d'être au centre de l'attention, je fis entrer Gaston et laissai les autres dehors. J'avais besoin d'être seule pour vider mon sac. Maintenant, il ne me faisait plus peur. Il ne devait plus. Je ne le montrerai plus. J'allais m'entretenir avec lui afin que tout sorte et après que je puisse reprendre ma vie sereinement. Tout devait bien se passer, enfin, c'était ce que j'osais espérer.

— Enfin seul, je me demandais si un jour cette gangrène allait nous quitter, railla Gaston.

— Ne parle pas d'eux comme ça, tu ne les connais pas, ce sont des gens bien.

— Peut-être, en tout cas, ils ne sont pas comme nous. Ce sont des gens de la terre, des fermiers, des moins que rien. As-tu oublié d'où tu viens ?

— Non, mais je me sens mieux avec eux qu'avec des gens de ton genre.

— On en vient à des piques de ces bassesses-ci, je te pensais avec un plus grand répondant, maintenant que tu oses plus.

— Je ne viendrai pas avec toi. Tu devrais partir maintenant si tu veux arriver à Bussy avant la tombée de la nuit, dis-je en faisant abstraction de ses paroles.

— Je ne suis pas venu pour repartir tout penaud. Tu viens avec moi, un point c'est tout.

— Non.

— Non ? Vraiment ? On t'a laissé bien trop de liberté. Tu n'es qu'une moins que rien.

Il se leva de sa chaise, le regard virant au noir. Il était vraiment énervé. Déjà qu'avant il n'avait pas de patience mais alors là, il ne se maîtrisait plus du tout.

— J'ai dit tu viens avec moi, articula-t-il comme si j'étais une simple d'esprit.

Je secouai la tête le rendant encore plus furieux.

— Tu viens avec moi, cria-t-il férocement.

Je m'opposai encore plus à lui, refusant une nouvelle fois. Il devint rouge de colère et attrapa un vase, me visant avec.

— Si tu ne te bouges pas, je te l'envoie en pleine tête.

Sentant la peur me paralyser, je n'effectuai aucun mouvement. Ne me voyant pas faire le moindre geste, il le lança.

Par chance, il ne me manqua que d'une dizaine de centimètres. Le vase, lui, se brisa sous le choc de l'impact avec le mur.

— Viens avec moi sale pute à Bosch, hurla-t-il à plein poumon.

Mais je ne cédai toujours pas. Finalement, comprenant que les mots n'allaient pas me faire changer d'avis, et qu'il n'y avait pas d'autres objets à me lancer dessus à porter de main, il se dirigea droit devant moi. Arrivé à ma hauteur, il me prit par le cou et le serra me privant petit à petit d'air. Je suffoquai de plus en plus.

— Si tu ne bouges pas ton petit cul jusqu'à la voiture, je te tue, me menaça-t-il.

Il me lâcha, me faisant m'écouler au sol par le manque cruel d'air. Je toussotai et me massant la gorge pour me soulager. Je me relevai tant bien que mal.

— Je préférerais mourir plutôt que de retrouver ma vie d'avant, crachai-je de dégoût à son encontre.

— Comme tu voudras ma belle, sourit-il vicieusement.

Il retroussa ses manches et tenta de m'attraper par les hanches. Je le repoussai difficilement mais réussi à sortir de son emprise. Je courus pour mettre un meuble entre nous, pour le retarder. Il me poursuivit toujours avec ce regard de dépravé.

— Considère-toi comme déjà morte, m'annonça-t-il.

Je lui balançai tout ce qui me passait sous la main, des coussins, des livres, ma boîte à épingles, des couvertures. Lorsqu'il eut la tête prise sous une multitude de couvertures épaisses, je courus vers la porte pour me sauver. Je savais que je n'allais pas faire le poids très longtemps contre lui.

Malheureusement, il fut plus rapide que je ne l'avais pensé car il me tira par les cheveux et me coinça sous lui.

— Tu ne croyais quand même pas que j'allais te laisser t'en sortir sombre idiote ? me demanda-t-il cyniquement.

Privé de tout moyen pour me défendre, je lui crachai au visage, lui prouvant que je n'allais en aucun cas me soumettre à lui.

— Tu vas me le payer sale...

SUITE ALLEMANDEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant