Mon coeur s'était emballé à chaque mot. Comment pouvait-il me procurer autant d'effet alors que deux ans s'étaient écoulés depuis notre dernière rencontre ?
Le souvenir de son portrait, de son corps athlétique, de ses bras puissants m'entourant avec douceur et fermeté, des lèvres pulpeuses ayant un goût de tabac, de froid si agréable, mais surtout ses yeux si pénétrants et si expressifs me revinrent en mémoire.
Comment un homme aussi bon pouvait être enrôlé dans une telle guerre ?
Comment sa femme avait-elle pu l'abandonner ?
Moi même je ne l'aurai jamais fait si cela m'était possible. Mais la vie est abrupte et n'épargne personne.
Comment deux personnalités ressentant une attractivité aussi forte pouvaient être séparées ?
Était-il mon âme soeur ? Je le croyais bien.
— Vas-tu te décider à lui répondre ou préfères-tu le faire par la pensée ? rit Juliette
— J'ai l'impression d'être dans un rêve. Tout ce bonheur me fait peur. Nous sommes en guerre, plein de gens souffrent des conséquences et moi je rêve. Ne trouves-tu pas cela déplacé ?
— Ce que je trouve déplacé, c'est que tu te prives de ta part de bonheur pour des raisons aussi stupides. Un jour viendra où tout ce bonheur s'évanouira et profitera à un autre. A ce moment là tu pourra te morfondre mais certainement pas ici. Alors réponds lui maintenant, me bouscula-t-elle.
— Mais...
— Écoute, un jour ou l'autre la guerre finira. Ce n'est pas la première et peut-être pas la dernière. Quand tous les soldats et autres personnes rentreront, les difficultés augmenteront ,entre les retrouvailles déchirantes où on ne reconnaît plus ses proches, où tout ce qu'on a connu est parti en ruine et j'en passe. Quand tout cela arrivera, tu devras peut-être faire face à ton mari, à subir tout un tas de choses qui ne te feront, je suis sûre, pas plaisir. Tu as la chance de recevoir plein d'amour d'un homme qui malgré deux années, continue de te chérir, qui ne t'a pas une seconde oublié alors qu'il est considéré aux yeux de tous comme un ennemi. Profite de ce bonheur, croque le à plein dent. Crois moi après tu t'en voudras si tu ne le fais pas.
— Merci, souris-je.
Je pris donc un stylo et du papier et me mis à écrire.
Cher Bruno,
J'ai passé quelques semaines à Bussy pour aider Madeleine. Elle ne vit pas des choses faciles mais je ne peux te les expliquer. Il n'y a d'ailleurs pas de mot pour qualifier ces événements. Je pense que ton bon sens t'a mis sur la voie.
Ce voyage m'a ravivé des souvenirs que j'avais enfouis au plus profond de mon être. Une explosion de sentiments qui ont rejailli, je suis repassée à l'endroit où nous avons échangé notre premier baiser. J'en rougis rien qu'en y pensant, mes doigts viennent d'ailleurs toucher mes lèvres en souriant en imaginant la scène.
J'ai aussi croisé ma belle-mère. Elle n'a pas changé, toujours aussi revêche et peut avenante. Le croyez-vous si je dis que j'ai réussi à lui tenir la tête ? J'ai gardé la tête haute et ai répondu à ses attaques. Cela vous prouve à quel point j'ai changé.
Je suis revenue au village où j'habite désormais. Je vais reprendre mes activités et revoir votre ami. Je dois aussi vous avouer qu'il m'a manqué. Le voir me fait me sentir plus proche de vous. Cela peut paraître bête mais je trouve des similitudes entre vous deux caractères. Je ne vous en dis pas plus, il y aurait des conséquences sur votre égo, en bien ou en mal.
Je dois vous laisser, mes doigts ne suivent plus. Le voyage m'a épuisée. Si je continue, la lettre ne risque jamais d'arriver.
Lucile
Je posai ma plume en baillant. Un peu plus et ma tête serait négligemment posée sur la table.
— Allez va te reposer. Tes yeux sont presque fermés.
— Mais il faut que j'aille la poster, autrement elle ne sera envoyée que dans quelques jours.
— Je vais m'en occuper. Ne te tracasse pas pour ça. J'y vais de ce pas. Si je te trouve encore sur cette chaise à mon retour, je te jette dans ton lit. C'est clair ?
— Je crois que je n'aurais jamais dû te laisser. Tu es devenue un vrai tyran.
Elle sourit et ferma la porte.
Résignée à m'étendre sur un bon lit moelleux, je décidai de l'écouter et d'aller me reposer. Je crois même qu'un bon bain chaud me ferait du bien mais pour l'instant, dormir est ma plus grande envie.
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SUITE ALLEMANDE
Fiksi PenggemarEn pleine Seconde Guerre Mondiale, la vie des français est bousculée. Ils doivent pour la plupart, cohabiter avec l'ennemi. Dans le petit village de Bussy, la cohabitation est difficile. Les allemands règnent et instaurent un climat hostile. Alors...