Chapitre 17

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Pendant de longs mois, j'avais réussi, ou du moins croyais, m'être détachée de l'emprise que cet homme avait sur moi. Mais une seule lettre avait tout fait ressortir, les sentiments.

Le pire est que je ne m'y étais pas opposée. Il me rendait faible même après toutes ces années, surtout après toutes ces années.

Je me croyais forte et indépendante maintenant mais je n'étais que faiblesse et peur, j'étais pitoyable. Les habitants parlaient des allemands avec hargne et rage alors que moi j'étais tombée amoureuse de l'ennemi.

Comment vivre avec cela ?

La haine ne disparaît pas si facilement. Une fois installée, elle ne repart que peu de fois, surtout si ce sentiment est ressenti envers une personne. Même si dans la douce utopie d'une future relation entre lui et moi, les gens nous regarderaient avec ce regard de jugement qui vous glace le sang.

La guerre finit par s'achever mais pas les souvenirs.

Les jours se passaient et se ressemblaient tous, toujours cette attente interminable. Mes sens étaient constamment en alerte. À chaque froissement de papiers, à chaque arrivée du courrier, je priais pour qu'une lettre soit adressée à Erich.

Mais c'était toujours pareil, les lettres s'arrêtaient à quelques lits de moi, comme pour me rappeler de la distance entre moi et celui qui fut jadis mon amant.

Cependant aujourd'hui, quand j'arrivai devant le lit de mon cher ami, un sourire m'accueillit, un sourire remplit de malice.

J'avais deviné.

Elle était enfin là. La lettre si longtemps attendue était là.

Il m'avait répondu.

Erich me la tendit sans attendre son reste, il savait mon impatience. Je l'ouvris précipitamment, les doigts tremblants, le sourire collé aux lèvres.


Chère Lucile,

Comment pourrai-je oublier ? Notre rencontre reste et restera gravée dans ma mémoire. Jamais votre présence ne m'a quitté.

Pas un seul instant.

Êtes vous parfaitement en sécurité ? Je ne sais pas comment vous m'avez retrouvé mais soyez sur que cela me comble de joie. Certes je préférerai entendre le son de votre voix mais il me semble que votre écriture ne doit me suffire. Elle me suffira un moment mais sachez que la flamme ne m'a jamais quitté et bientôt vous voir me sera primordial.

Jamais une seconde ne s'est passée sans que mon esprit ne divague et me renvoie vers votre visage.

Faites attention à vous, le devoir m'appelle. Rappelez vous que jamais je ne vous oublierai.

Votre ami, Bruno.


En lisant ces quelques mots, mes larmes coulèrent sans que je puisse les retenir un seul instant. Il avait réussi une fois de plus à me toucher et à atteindre mon coeur.

Erich me regarda et compris lui aussi la flamme qui me faisait vivre. Je n'arrivais pas ou plus à le cacher.

Vous répondre lui, il attend.

— Vous êtes sur ? Vous ne voulez pas lui écrire quelques mots ?, demandé-je gênée

— Vous êtes plus proche lui que moi. Yeux mis à briller pendant lecture, vous tenez trop à lui pour pas répondre.

— Merci, mille fois merci, je viendrais vous la lire, déclaré-je le sourire aux lèvres 

Et je repartis en courant à la maison comme la dernière fois pour lui répondre. Je me sentais toute chose, j'avais l'impression d'être retourné à l'adolescence ou un rien me rougir de plaisir.

Installée à mon bureau, je pris une feuille et y posai toutes mes idées, les sujets que je voulais aborder avec lui. Dieu sait combien de temps je pourrais lui écrire. Je ne voulais pas parler de choses futiles. Aller droit au but était mon objectif. Mais je savais que lui écrire des montagnes serait dangereux pour lui comme pour moi, alors je ne me restreignais qu'au nécessaire, désireuse de lui raconter toute ma vie dans les prochaines lettres.


Cher Bruno,

J'ai attendu votre lettre avec beaucoup d'impatience, votre ami Erich peut en témoigner. C'est lui qui m'a permis de vous écrire ces quelques mots. Ne vous en faites pas il va bien, il est entre de bonnes mains.

Comment cela avance de votre côté ? Êtes vous blessé ?

Dites moi la vérité, n'essayez pas de me protéger, la guerre m'a endurci, bien plus que vous ne le croyez.

Lucile


Je ne voulais pas être chaleureuse, plus maintenant. Qui sait ce qu'il allait se passer ? Était-il encore avec sa femme ? Ou pire, était-il devenu comme ses barbares ? Toutes ces questions étaient sans réponses et cela me donna la migraine.

Le retour de Bruno avait-il été une bonne chose ? Ou allait-il me donner le coup de grâce ?

En regardant l'heure à ma montre, je me rendis compte qu'il était encore temps d'envoyer la lettre.

Une fois chose faite, je me ré-installai à mon bureau pour écrire de nouveau mais cette fois-ci pour les soldats français. Je ne devais pas oublier mon travail. Bruno m'avait peut-être fait tourner la tête, néanmoins, je devais revenir sur terre.

Le monde n'est qu'une utopie ou l'amour est illusoire.

SUITE ALLEMANDEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant