Chapitre 62

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J'ouvris la porte à la volée, loin d'être remise des aveux d'Antoine. Non, non, ce n'était pas possible. Il ne méritait pas ça. Il ne méritait pas le fait de m'aimer. Mon cœur était pris depuis des années. Bruno était gravé dans mon cœur et dans ma tête, personne ne pourra le remplacer. Pourquoi a-t-il fallu qu'il tombe amoureux de moi ?

— Juliette ! Juliette ! Criai-je

— Oh doucement, je suis là. Tu vas réveiller tout le village à force de hurler. Qu'est-ce qu'il se passe? Dit-elle en arrivant rapidement

— C'est Antoine, ça ne va pas du tout.

— Quoi ? Il est mort ? Blêmit-elle

— Mais non, il m'a fait sa déclaration.

— Sa déclaration ?

— Oui il m'a livré ses sentiments.

— Ok, doucement, respire un bon coup, je ne comprends rien, alors reprends du début en articulant et en faisant des phrases simples.

— Tout à l'heure, il m'a dit que sa mère devait venir dans 3 jours. Le problème c'est qu'il lui a dit qu'il entretenait une liaison avec une femme, qu'ils étaient très amoureux. Il parlait de moi. Il m'aime Juliette.

— Oh je vois.

— Je ne peux pas lui laisser penser ce genre de chose. Non, je ne peux vraiment pas.

— D'accord mais tu lui expliques une bonne fois pour toute et vous passez à autre chose après.

— Non, il y a pire. Sa mère veut me rencontrer. Elle a beaucoup de choses à me raconter. Elle veut me remercie et me féliciter, je crois. Mais je peux vraiment pas. Jouer cette comédie, c'est bien trop pour moi.

— Combien de temps cette comédie doit durer ?

— Je ne sais pas, quelques heures tout au plus.

— Alors tu dois accepter, pour lui.

— Pardon? Mais il y a deux minutes, tu me disais de dire non.

— Oui et j'ai eu le temps d'y réfléchir et certes, mentir n'est pas beau mais dans le cas d'Antoine, je pense que tu peux faire cet effort.

— Non, je ...

— Je sais que c'est une position délicate mais ça ne dura pas des lustres. Une fois que sa mère sera repartie, tu reprendras ta place.

— Mais enfin...

— Lucile, tu parles d'un homme qui ne te demande pas ta main, mais de l'aider à se défaire d'un problème. N'oublie pas qu'il y a à peine quelques semaines, il était mal en point. Je sais que ce n'est pas la meilleure de situations, mais tu lui dois bien ça.

— Mais il y a Bruno aussi.

— Laisse Bruno, là où il est. Tu ne le trompes pas, tu aides seulement un ami.

Je me laissai tomber sur un fauteuil en soufflant. J'étais dans de beau drap maintenant. J'allais encore une fois rencontrer une mère qui allait sans doute bien me faire peur. Je me souviens encore de ma première visite dans la maison des Angellier. Jamais, je ne voudrais revivre ce genre de situation.

FLASHBACK

J'étais dans la voiture de mon père, à ses côtés, incapable de bouger, hantée par la peur.

— Ne t'en fais pas ma Lucile, tout va bien se passer. Ils peuvent se montrer un peu hautins, mais c'est leur façon de se protéger, et puis la mère de Gaston est une grande dame, elle se montrera avenante et t'accueillera les bras ouverts. On nous traitera bien, me rassura mon père

J'acquiesçai, pas vraiment rassurée. Tout le village parlait de cette famille, et pas en bon terme, loin de là. Il fallait que je me trouve un mari rapidement. Mon père était bien malade. Il voulait me placer dans une bonne famille avant sa mort, pour que je ne manque de rien. Bien sur, le mariage envisagé, n'était pas un mariage d'amour. Selon mon père, cela viendrait avec le temps. De tout façon, on allait s'unir pour la vie alors que nous étions encore des étrangers l'un pour l'autre.

J'ouvris finalement la portière, la boule au ventre. C'était notre première rencontre officielle. On allait se présenter comme étant fiancés. Quelle ironie.

Je vis derrière la fenêtre, une vielle femme l'air revêche. À ma vue, elle tira le rideau d'un air sec. Faites que ce ne soit pas elle Mme Angellier, mais plutôt une femme de ménage !

Hélas, je n'avais de chance, aujourd'hui, puisque celle horrible harpie était bien ma future belle-mère.

— Je suis ravie de vous rencontrez enfin Lucile. Je m'appelle Simone, se présenta-t-elle

— Je suis ravie également, répondis-je poliment la voix tremblante

— Mon fils ne devrait pas tarder, il est parti à la chasse ce matin, cela lui arrive de temps en temps. J'espère que vous n'êtes pas contre cette pratique car Gaston en est un fervent amateur, m'imposa-t-elle

— Non, bien sur, comme je vous l'ai dit, ma fille sait s'adapter, rajouta mon père

— Bien, nous allons nous installer dans le salon pour parler affaire. Je ne vous ferai visiter le reste de la demeure qu'une fois mariée. Je ne veux pas que n'importe qui ne vienne regarder ma maison sans raison. Et puis, les fiançailles ne sont qu'une promesse, j'attendrai donc un contrat officiel. Maria apportez nous donc du thé, ordonna sèchement Mme Angellier

Je plaignais très sincèrement cette Maria qui devait continuellement subir cette peau de vache.

— Comme vous avez pu le remarquer, mon mari, à sa mort, a laissé un héritage conséquent à mon fils unique. En tant que sa mère, je gère son patrimoine pour qu'il ne soit pas dilapider en un rien de temps. Je souhaite donc avant la cérémonie m'entretenir avec un homme spécialisé pour faire un contrat de mariage, pour éviter toute mésentente. En soit, Lucile, en tant qu'épouse vous serait en partie, responsable des biens matériels de votre mari. Je serai bien présente pour vérifier avec soin vos agissements jusqu'à ce que mon fils demande mon retrait. Si un jour, une envie aussi saugrenue que le divorce ne vienne à votre esprit, tous les biens de Gaston resteront dans sa famille, ne vous laissant sans rien. Est-ce clair ? Expliquait-elle sans la moindre empathie

— Oui, d'ailleurs à ce propos, je voulais éclaircir un point, annonça mon père avec un enthousiasme soudain

Le reste de la conversation se passa sans que je puisse donner mon avis. Tout était fait pour que je ne sois que spectatrice de ma vie.

Mon père essayait de tout organiser pour qu'après mon mariage, je n'ai plus à me soucier de rien et que, selon lui, je sois heureuse. Mais ce qu'il n'avait pas compris, c'est que je ne serai heureuse que lorsque je me sentirai bien et épanouie. Or dans cette situation, c'était loin d'être le cas. 

SUITE ALLEMANDEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant