Chapitre 31

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Je remarquai que Benoît était pensif. En effet, depuis que je lui avais exposé mon idée, il n'avait pas dit un mot. Je pouvais voir dans son regard qu'il était partagé entre le coeur et la raison.

Je ne pouvais pas le pousser à accepter ce que je lui disais mais je savais au fond de moi, que c'était la meilleure décision pour sa fille.

Sa façon de me parler me frappait encore à l'heure actuelle. J'avais vu en elle, un oeil si vif que je trouvais dommage de ne pas creuser et approfondir le tout.

L'image de cette enfant me hantait jour et nuit. Elle m'avait impressionnée par sa maturité.

Je ressentais comme un besoin viscéral de lui venir en aide.

— J'accepte ta proposition. J'y ai bien réfléchi et tu as raison. Je vais de ce pas en faire part à Madeleine. Je te tiendrai au courant des événements au fur et à mesure, me surprit-il.

— Bien sûr, j'attends ta réponse alors. Sache que je suis prête à commencer le plus vite possible. Elle pourra vivre ici avec Juliette et moi, pour que ce soit plus simple pour tout le monde. Je ne pense pas qu'avoir un enfant dans les pattes soit la meilleure chose pour élaborer des plans.

Il me salua d'un signe de tête et partit.

Je me levai, essuyant mes mains moîtes sur ma robe. C'était une habitude que j'avais toujours eue depuis que j'osais émettre une idée.

Mon père m'avait élevée dans l'idée que je ne devais dire mot de mes pensées de peur de froisser mon futur époux. C'est simple, lui-même avait été éduqué dans ce modèle de vieille France, où l'homme décide de tout et pour tout à la maison.

Lorsque Gaston est parti à la guerre, sa mère l'a remplacé. De ce fait, je me suis à nouveau tue face à elle. Son autorité me glaçait le sang, me rongeait même.

Une fois mes lettres pour les soldats écrites, je montai me coucher, exténuée de cette folle journée.

Tandis que ma tête se posait sur l'oreiller, le sommeil vint me prendre sans attendre.


***


Mon esprit divagua de droite à gauche, faisant ressentir à mon être un sentiment de plénitude exaltant. Mais celui-ci s'assombrit quand tout-à-coup un souvenir réapparut et me plongea dans un tourbillon angoissant.

Vêtue d'une robe immaculée, je me regardais dans la glace. Je me trouvais face à moi, ayant l'impression d'être extérieur à mon corps. Je ne me sentais pas maître de ma vie. Tout était allé si vite, je n'avais pas vu le temps défiler. Quelque part, c'était normal, la décision avait été prise en seulement quelques jours.

Je me considérai pendant de longues minutes, priant intérieurement pour qu'un drame vienne arrêter cette mascarade.

Mes pensées divaguèrent vers toutes les personnes chères à mon coeur, ma mère principalement qui allait manquer ce jour si vénéré par la plupart des individus. Elle me manquait tellement.

Ma vie avait quelque peu explosé après sa disparition. Elle avait plongé inconsciemment la maison dans un abîme si profond, que même la lumière ne passait plus.

Cet être était la bonté et la vie incarnée, toujours souriante et de bons conseils. Je me souvenais même que parfois des villageois venaient la voir pour être redirigé dans la bonne voie.

Un enfant ne devrait jamais être privée de sa mère.

Mon père aussi vint dans mes pensées. C'était lui qui avait organisé mes fiançailles. Il ne voulait que mon bonheur et ma stabilité. Mais ce qu'il ne savait pas, c'est qu'il me plonger de lui-même dans un précipice obscur.

Mon pensées furent à nouveau coupées par son entrée.

Il me regarda, me détaillant de toutes pièces, sûrement fière de sa progéniture si parfaite.

Il s'approcha de moi, les bras ouverts, signe de son émotion. Nous nous enlaçâmes affectueusement.

Je n'avais aucune rancoeur envers lui. Ce qu'il avait fait n'était que pour mon bien et mon intérêt. Pour cela, je ne pouvais le lui reprocher.

— Ta mère serait si fière de toi. Tu es tellement belle, me sourit-il.

— Merci père.

— Tu lui ressembles tellement. Je la revois le jour de notre mariage, toute frêle et tout timide mais avec les joues rosées par le bonheur. Ta soeur aussi serait fière, me dit-il les yeux dans le vague.

Ma soeur, ma tendre soeur. Si loin tu étais mais si proche je te sentais.

Mon père toucha le joyau que représentait ma robe, l'air triomphant.

C'est vrai qu'elle était jolie. Sa coupe, je devais l'avouer me mettait en valeur, ou du moins mes formes car elle était proche du corps. Ce modèle court rajoutait une certaine élégance, ainsi que qu'une certaine simplicité . En effet, en 1940, la pénurie de tissu se faisait ressentir, même pour la richesse de mon futur époux. Mais je ne pouvais me plaindre, j'avais de la chance de ne pas devoir porter un tailleur.

— Ma Lucile, je crains qu'il ne soit déjà l'heure d'aller à l'église. Tout le monde t'attend, m'informa-t-il.

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