Chapitre 29

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Le lendemain fut une journée bien ordinaire. Cela me changeait du quotidien à la ferme des Labarie. Pas d'enfants qui courent, qui rient, qui respirent le bonheur malgré la guerre. C'était une bouffée d'oxygène. Leur innocence m'avait toujours plu. Je dois avouer que les envie.

Le visage de la petite Maryse me revint à l'esprit. Son regard déterminé, sa pertinence, son intérêt à aider les autres... tout cela combiné en un seul être. Sa façon de me scruter me faisait rire, je savais qu'elle essayait de me cerner. La voir échouer me faisait rire. Tout cela prouvait que mon caractère s'était accentué.

Il y a trois ans, on m'aurait assez vite jugée en terme d'une jeune fille naïve, modulable et surtout pas compliquée. Une belle fille parfaite, tout simplement.

Mais cette époque est terminée à mon plus grand bonheur.

La vie avec Juliette était simple, presque naturelle. On se ressemblait énormément. J'aimais cette vie. J'avais l'impression d'avoir enfin trouvé ma place. Oui, je menais une vie simple, sans artifices, sans hommes, sans amour qui fait trembler un corps.

La situation avec Bruno était complexe, trop pour la vivre aussi intensément que lorsque nous habitions dans la même maison. Je devais avouer que j'étais insatisfaite.

Ne l'étions-nous pas lorsque nous aimons un homme que nous savons inaccessible ?

Notre relation n'était qu'une passade entre deux personnes un peu perdues recherchant leurs âmes dans l'interdit. Un Allemand et une française, n'avait-on pas pu voir pire trahison ? Pire relation ? C'était comme une mauvaise blague.

En fait, j'avais le cafard. Mon existence était si complexe que cela me donnait le tournis. J'étais un jour heureuse, l'autre remuant le passé.

— Lucile, je connais cet air et je vois que tu te morfonds. Tu sais très bien que j'ai horreur des gens qui désespèrent. Alors secoue toi, vas mettre une robe plus gaie, cette couleur me fait mal aux yeux. Ce vert forêt est vraiment immonde. Je demanderai à une amie couturière de te faire des robes plus saillantes et expressives, disait-elle en soufflant.

— Oui mère, la narguai-je.

Elle souffla en souriant de mon insolence. Nous partîmes donc dans le bourg les bras emmêlés chantonnant des cantines d'enfants.

Les villageois nous regardaient avec intérêt nous prenant pour des folles mais des sourires apparaissaient sur leurs visages fermés par le labeur. Bon nombre étaient des paysans couverts de boue. La saison n'était pas très joyeuse, il ne faisait que pleuvoir.

Le moindre éclaircissement était le prétexte de mettre sa plus belle robe, histoire de profiter au maximum de ces petites accalmies si désirées.

Puis, à la suite de notre petit tour, nous tombions face à Benoît, Jean et Clémentine. Le visage de celle-ci s'éclaircit à ma vue et elle lâcha la main de son mari pour venir à ma rencontre à grandes enjambées.

Juliette serra ma main me prouvant que quoi qu'il arriverait, elle sera là, à mes côtés.

Cela faisait depuis mon départ de la ferme que je n'avais pas parlé avec Jean. Je ne l'avais vue que quelques fois et nos entrevues étaient brèves. Nous n'avions en rien oublié nos différents et cela n'allait certainement pas s'arranger avec le temps.

— Lucile ! Cela fait si longtemps, tu m'as manqué ! Interdiction de se perdre de vue, surtout que nous habitions dans le même village. Ce n'est quand même pas Paris, rit Clémentine de bon cœur.

— C'est vrai, tu m'as manqué également.

Nous nous serrâmes dans nos bras, heureuse de nous retrouver. Elle était une réelle amie.

— Lucile, je ne savais pas que tu étais déjà rentrée, m'indiqua Benoît.

— Je ne suis rentrée qu'hier, le voyage a été assez long donc j'ai préféré rentrer à la maison pour pouvoir venir te donner des nouvelles à tête reposée.

— Je corresponds plusieurs fois par mois avec elle mais le travail à la ferme est dur et éprouvant en plus des enfants alors elle n'a pas forcément le courage d'écrire des quantités de lettres.

— Elle me l'a dit. Elle voudrait te parler plus, te mettre au courant de plus de choses mais elle n'a pas beaucoup de temps. Si tu veux, tu peux passer à la maison pour que je te raconte la vie à Bussy et mon voyage, proposai-je.

— Oui volontiers, serait-il possible de le faire le plus vite possible ? me demanda-t-il fébrilement.

Le voir dans cet état me brisait le cœur. Lui qui avait si longtemps gardé un masque de protection, ne dévoilant aucune faiblesse, aucun sentiment, n'arrivait plus à se cacher.

SUITE ALLEMANDEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant