🚢🖤Chapitre 6🖤🚢

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ℳ𝒶𝓇𝒹𝒾 𝓃ℯ𝓊𝒻 𝒶𝓋𝓇𝒾𝓁 𝓂𝒾𝓁𝓁ℯ 𝓃ℯ𝓊𝒻 𝒸ℯ𝓃𝓉 𝒹ℴ𝓊𝓏ℯ

Jungkook

Mes yeux sont rouges et larmoyants à cause de la fumée nocive que j'ai expirée durant toute la soirée.
Jimin a terminé sa session beuverie.
Nous avons discutés légèrement comme à notre habitude mais cela sonnait faux. Nous savons que demain, c'est notre destin qui va se jouer.
Soit nous restons et poursuivons nos vies de voleurs ou bien nous nous lançons dans l'inconnu.
Moi seul fait obstacle à la seconde décision. Ce n'est qu'à cause de moi que mon meilleur ami restera. Jamais l'un sans l'autre.
Il ne partira pas si je continue à Southampton.
Nous serons ensemble.

Je ne sais quoi faire, je ne sais quoi choisir...
Le paquebot part à midi quinze...
Brusquement je me lève, puis Jimin redresse la tête, étonné.
D'habitude je ne fais pas de bruit si je dois aller chercher quelque chose. Nous avons toujours respecté le sommeil de l'autre. Mais maintenant un choix s'impose. Je ne peux pas obliger mon frère non de sang mais de cœur à moisir ici, dans ce pays qui lui rappelle atrocement son père, simplement parce que je crains la nouveauté.
Il se met à ma hauteur et me chuchote de me recoucher.

— Jimin-ssi...

— Y a pas de Jimin-ssi, il est vraiment tard... tu ne te souviens donc pas qu'il faut se lever très tôt pour aller récupérer toutes ces merdes qu'on se casse le cul à vendre ? Dors Jungkook et arrête de cogiter.

— Nous n'en aurons pas besoin.

— Comment ça ?

— Demain, on part de cet endroit pourri.

— Pardon ?

— J'ai un plan. Ramasse tes affaires et donne-les-moi s'il te plaît.

Il s'exécute et me les passe sans un mot. Nous avons toujours fonctionné ainsi, c'est moi qui suis chargé de ranger nos biens car je suis assez minutieux et ce, depuis toujours. Lorsque tu dois t'enfuir tous les deux jours parce que tu es un fugitif, il vaut mieux pour toi que tu saches t'organiser. Jimin comprend le message puis s'empare de nos couteaux afin les aiguiser sur les pierres des marches.
Je sors nos vêtements sales et les lui donne pour qu'il s'en occupe lorsqu'il aura achevé sa tâche.
Je vide le contenu de nos sacs et frottent les taches avec notre vieille brosse, quelques gouttes d'eau et deux copeaux de savon.
Nous lavons nos habits avec ce qu'il reste et les trions soigneusement.

Ce qui est bien trop vieux pour être porté est jeté dans un coin puis nous rangeons le tas plié dans une des besaces avant d'y placer nos autres affaires. Jimin extrait d'une minuscule pochette une aiguille et du fil puis attrape son couteau et déchire le tissu avant de le coudre précautionneusement à la suite des anciens pour finalement, former une fine couverture en patchwork. Il est vraiment doué de ses mains, comparé à moi.
Je viens de réaliser que tout ne rentrera pas dans nos sacoches quand mon ami me jette un sac assez large qu'il a trouvé près d'un banc.
Nous en récupérons le contenu soit une bague en argent, un livre intitulé "Le rouge et le noir", cinquante livres et une pipe.
Je ne crois plus en cette chance.
Nous allons finir par devenir riches à cette vitesse-là.

Après cette surprenante et agréable découverte, nous rangeons finalement le linge dans le grand sac et plaçons le reste dans les nôtres. L'argent se trouve dans la doublure d'un des sacs que mon ami a réalisée, les livres sont soigneusement empilés les uns sur les autres, le nécessaire de toilette dans une petite poche et mes bijoux, camouflés dans un pli de la casquette gavroche de Jimin, tandis que ses lunettes se trouvent dans la mienne.

Jimin coupe quelques rouleaux de tissus pour faire des bandages si jamais l'un d'entre nous se blessait.
Il est prévoyant. Je l'admire à un point qu'il ne peut imaginer. Je sais qu'il se pense minable mais il est toujours bonnement parfait ce petit ange.

— Alors c'est bien vrai ? me demande-t-il.

— Si tu es d'accord, on part à bord du Titanic, Jimin !

— Mais malgré nos cinquante nouvelles livres...

—Ça fait un voyage en seconde classe, ne te décourage pas !
Si on y va en troisième, il nous restera assez pour vivre un petit temps en Amérique ! On a combien ?

C'est lui qui gère notre argent. Il possède de réelles capacités pour faire les comptes et éventualiser nos futures dépenses même si, d'habitude, ce n'est pas très difficile étant donné notre statut social. Une fois de plus, notre parcours de vie y a fait beaucoup.

— Cent vingt-cinq livres.

— J'ai un plan. Si on veut partir en troisième classe pour économiser le maximum d'argent, nous pourrons entrer dans le restaurant de seconde classe pour les repas et le reste. Il faut un investissement rentable. En tout, on dépenserait combien ?

— Rien que deux billets et couchettes coûteront dix livres. Il nous faut des costumes... flanelle... vingt-cinq...
Soixante-dix livres...
Nous ne pouvons pas nous le permettre, Kook.
Sauf si...

—Si quoi ?

— Si nous n'achetions que deux vestons et un pantalon, cela reviendrait beaucoup moins cher que deux complets. Douze livres tout au plus.

— Et nos chaussures ? On ne pourra pas se présenter comme ça !

— Ce n'est pas une fatalité, on les nettoiera. Ou au pire, on leur dira que c'est la dernière pièce prisée en Asie ! Nous ne sommes pas Européens, souviens-toi. Nous pouvons en jouer.

Son sourire si suppliant achève de me convaincre.
Je prends la bonne décision en m'enfuyant vers de nouveaux horizons.

Le soleil laisse deviner sa présence par de faibles halos nacarat et renvoie ses reflets sur l'eau.
Bientôt nous serons à bord du navire qui flottera grâce à elle.

Je repense à mon dernier rêve. En effet, il m'a assez troublé car, bien que j'ai l'habitude d'y voir Kim, cette fois-ci était différente et j'ai l'impression de devoir décrypter un message caché.

Il était appuyé contre un lampadaire duquel pendaient des arabesques semblables à des toiles d'araignées, le manteau du crépuscule rabattu sur sa silhouette, dos à la Lune. J'étais par-devant le soleil qui m'illuminait de ses derniers rayons.

Cette scène.

C'était comme si elle était écrite.

Lui, Lune, crépuscule.

Moi, Soleil, lumière.

Il semblait malheureux, je lui ai alors tendu la main puis me suis entendu prononcer quelque phrase rassurante à son égard :

« Hyung, souviens-toi de moi. Je t'aime. »

Une pulsion inconnue m'avait poussé à lui dire ces mots.

Crépuscule et lumière ?

La signification...

La réalité vient de me tomber dessus.

Si nous étions si opposés dans mon rêve, ce n'est pas un quelconque hasard.

S'il est la Lune et moi le Soleil ?

Alors si je suis pauvre... il est riche...

𝑻𝒊𝒕𝒂𝒏𝒊𝒄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant