𝑻𝒊𝒕𝒂𝒏𝒊𝒄

🚢🖤Chapitre 10🖤🚢

ℳℯ𝓇𝒸𝓇ℯ𝒹𝒾 𝒹𝒾𝓍 𝒶𝓋𝓇𝒾𝓁 𝓂𝒾𝓁𝓁ℯ 𝓃ℯ𝓊𝒻 𝒸ℯ𝓃𝓉 𝒹ℴ𝓊𝓏ℯ

Yoongi

L'heure tant attendue est enfin arrivée.
Il est dix-huit heures trente-cinq et tandis que le ciel se pare de couleurs plus belles les unes que les autres aux noms envoûtants tels que nacarat, incarnat, tangerine ou or, le navire appareille de Cherbourg.

J'y ai rejoint celui que je pourrais appeler mon meilleur ami, Kim Taehyung.

Le plus beau connard que je n'ai jamais connu. J'ai l'habitude d'être poète des mes monologues à l'habitude mais connard est le seul que je puisse employer pour désigner ce monstre d'égoïsme mais également, je dois bien l'avouer, de charme.

Celui qui a pour projet de vie de réduire à néant celles des autres en les détruisant et les rendant foncièrement mauvais.

Rares sont les fois où je le comprends.
Ce que je sais, c'est qu'il est lui-même détruit et que c'est cette raison qui le pousse à rendre son entourage presque pire que sa personne.

S'il parvient à rendre le monde aussi noir qu'il le prédit, nous ferions mieux de tous nous mettre à prier et sur-le-champ.

Je savoure la vue du ciel, appuyé contre une rambarde lorsqu'une idée me vient.
J'attrape le bras d'un membre d'équipage passant par là qui fronce les sourcils et me demande impoliment ce que je souhaite.
Je me présente brusquement et devient satisfait de voir la panique se lire sur son visage avant que celui-ci ne devienne avenant.

- Je désire savoir qui vient d'embarquer, à l'instant.

- Je suis navré, M. Min mais je ne suis pas autorisé à vous dévoiler cette information capitale pour...

- Ne me suis-je donc pas bien fait comprendre ? Je veux que vous me disiez combien que personnes ont embarqué et combien sommes-nous à présent, grogne-je en resserrant mon emprise.

- Hum... et bien deux cent soixante-quatorze personnes sont arrivées à cet instant, essentiellement en première classe. Après nos différentes escales nous serons environ deux mille deux cent un à bord dont huit cent quatre-vingt-cinq membres d'équipage.
Monsieur est-il satisfait ?

Je m'éloigne sans lui adresser un regard ni même une parole.
J'ai su ce que je voulais savoir, la courtoisie ne m'est plus d'aucune utilité.
Je rejoins mon ami qui est occupé à fumer une cigarette et lui pose la question que me tourmente depuis qu'il m'a révélé ses plans d'avenir.

- Kim, pourquoi es-tu donc si hargneux ?

- Je n'aurai pas besoin d'apprendre à gérer ma colère si les gens apprenaient à gérer leur stupidité grandissante.

Un second membre d'équipage nous interpelle pour nous conduire à nos suites qui sont, je peux l'admettre, fabuleuses.
La mienne est bleu nuit, les meubles sont décorés de belles gravures géométriques, le lit est couvert d'une parure safre aux arabesques dorées identique à la tapisserie.
Le plus beau trône au centre de la pièce.

Une pure merveille.

Un piano à queue noir, vernis, neuf, aux pieds d'or.

Je me retourne ému, mais personne n'est derrière moi, hormis un arriéré semblable à un serveur.

La chambre de Taehyung est juste à gauche de la mienne aussi je le trouve facilement.

A vrai dire, je le surprends, en train d'admirer un objet brillant, semblant très luxueux, dans sa main.
Il me décoche un regard noir en m'apercevant mais je l'ignore et observe son lieu de vie provisoire.

Les murs sont andrinople aux motifs argentés semblables au couvre-lit et aux napperons. Des vases couleur crème aux motifs d'argent sont disposés un peu partout dans la pièce, mais attention, disposés avec art, dans lesquels sont placées des orchidées aussi magnifiques les unes que les autres.
Les tapis et rideaux sont en velours rouge sang, et un secrétaire assez imposant trône dans un coin de la pièce sur lequel repose, des plumes, de l'encre et du papier.

Oui mon cher ami aime toujours écrire à la plume car cela lui donne une écriture qu'il trouve distinguée.

La pièce est vraiment charmante, le rouge étant la couleur dominante puisque c'est celle que mon ami apprécie le plus.

Ses bagages reposent dans un coin, il est, pour l'instant, occupé à déballer dans la plus grande des précautions les œuvres qu'il collectionne depuis sa plus tendre enfance.

Il se passionne pour les peintres en qui il sent du potentiel et un prochain succès. Il adore la peinture et le dessin au simple crayon qui le permettent de s'évader de son quotidien rythmé au gré de l'alcool et des inconnues.
J'oserai même affirmer que l'art est l'échappatoire à sa vie qu'il n'a aucunement choisie.

Je suis peut-être froid, calculateur et antipathique cependant, j'ai toujours su cerner les personnes qui m'entouraient et je vois très que malgré ce qu'il m'aboie, Taehyung n'est pas heureux.

Il se raccroche désespérément à cette réputation et ce nom qui ne font que le couler encore plus.

Je rêve du jour où il trouvera l'amour de sa vie, la personne qui pourra le sauver.

Enfin, essayer de le raisonner revient à pisser dans un violon.

Je soupire bruyamment tout en contemplant de nouveau la pièce. Le mien n'était pas dans ce pays non plus...
J'ai fait tous les endroits qu'il pouvait fréquenter puisque j'en apprenais sur lui lorsque je lui rendais visite dans mes rêves. J'ai passé mon séjour d'un an en France à parcourir les ports et des quais des différentes villes maritimes, je me suis arrêté dans tous les bars perdus que j'ai pu trouver, j'ai fait des haltes par centaines dans des marchés ou ventes aux enchères mais je n'ai pas pu le trouver.

Tout ce que je sais de lui c'est que c'est un homme blond et coréen exactement comme moi.
Voilà aussi une des raisons pour lesquelles je subis Taehyung depuis plusieurs longues années. C'est le seul qui, malgré sa haute opinion, accepte le fait que je puisse aimer un homme.
Je me suis moi-même dégoûté au tout début puis j'ai rêvé de lui.
Il m'est apparu tel un ange et m'a dit que je ne devais renier mes sentiments envers lui car me mentir reviendrait à lui mentir. Puis il m'a embrassé et c'était l'unique chose pour laquelle j'étais heureux de vivre, à cet instant précis.

Avant de le rencontrer dans mes rêves, je tenais des propos assez morbides, je me demandais souvent pourquoi vivre puis que ce sera plus douleur de bonheur et que la mort nous attendait en fin de chemin.
Que dès la naissance, nous étions condamnés à mourir un jour.

Bien avant cela, j'écrivais déjà mes propres textes mais cela tournait beaucoup autour de la mélancolie et du désespoir.
Juste après ce rêve-là, je me suis levé, j'ai attrapé mon Rollerball Meisterstück et j'ai écrit pour lui la plus belle des chansons.

Mais maintenant je crois en la vie puisque mon amour, m'attend là, quelque part dans l'immensité et, à la fois, la petitesse de ce monde.