Chapitre 13

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     Je n'ai pas d'autres choix que de jouer et je ne souhaite pas lui donner raison en partant en courant, me ridiculisant devant tout le monde.Je m'avance donc du piano et m'y assieds. Mais lorsque j'approche mes mains de celui-ci je remarque qu'elles tremblent. Je suis tellement angoissée à l'idée de jouer devant toutes ces personnes, moi qui en plus n'ai jamais pris de cours de piano.

Voyant que tout le monde m'observe avec impatience, je n'ai d'autres choix que de me lancer et décide donc de jouer le lac des cygnes de Tchailovsky mais version simplifiée même très simplifiée, ce qui augmente mon stress encore plus. J'essaie tant bien que mal de paraître détendue, mais mes doigts semblent si raides que je pourrait croire qu'ils sont bloqués, ce qui me vaut deux ou trois fausses notes mais je ne préfère même pas les compter. Mes joues sont tellement rouges de stress qu'elles contrastent parfaitement au blanc pur du piano.

Lorsque le morceau touche enfin à sa fin, j'ai l'impression que ce furent les trois minutes les plus longues de ma vie, mais malgré tout je pense m'en être pas mal sortie.

Quand je me lève j'ai le droit à quelques applaudissements et quelques sourires chaleureux qui me rassurent légèrement. Puis je me tourne en vers lui et le vois m'applaudir et fait mine d'être impressionné, mais il ne lui faut pas deux secondes avant de revenir à la charge :

-Tu vois, j'étais sûr que tu mentais, tu te débrouilles plutôt bien. Sinon comment as-tu trouvé le piano ?

-C'était bien different de mon synthé je l'avoue.

-À mon tour maintenant.

Comment ça à son tour, il n'était jamais question de ça. Alors il sait jouer ? En tout cas si c'est le cas, aucun doute qu'il ait pris des cours étant donné son origine sociale, ce qui signifie qu'il joue très probablement mieux que moi.

-Comment ça à ton tour, tu sais jouer ?

-Pas vraiment.

Il reprend mes mots avec ironie et j'avoue que je n'arrive pas à cerner s'il sait jouer ou non.

Mais dès lors que ses grandes mains se posent sur le piano mes soupçons se confirment. Celles-ci semblent voler et effleurent délicatement les touches du piano. Le spectacle qu'il nous délivre à travers la fantaisie impromptu de Chopin, un des morceaux les plus compliqués, ce qui me cloue sur place. Bon Dieu que ce garçon joue bien. Lorsque j'observe les personnes qui nous entourent, aucun d'eux ne semblent étonnés de le voire jouer de cette manière, comme si il s'y attendait. Ce garçon est un vrai prodige du piano et lorsque je l'observe plus attentivement il me paraît si angélique et à la fois diabolique à travers son arrogance. Je n'arrive pas à croire si c'est sa prestation qui me donne des frissons ou le spectacle qui délivre ou simplement la beauté à laquelle je fais face.

Je me sens si honteuse, humiliée par cet homme qui s'est bien moqué de moi, ma prestation est ridicule à coté de la sienne. J'aimerais pouvoir partir en courant mais couverte de honte mes jambes n'arrivent pas à bouger. Je reste plantée là devant son numéro stupide tandis que des dizaines de personnes d'autres pièces s'approchent pour admirer le spectacle.

Et lorsque enfin il finit son morceau tout le monde l'applaudit, il nous fait une révérence il semble si fier de lui et ne se gêne pas pour me le montrer en me souriant avec son sourire narquois qui me semble déjà devenir familier.

Il a tout gâché, il m'a consciemment humilié et je le déteste pour ça. Les larmes aux bord des yeux je me frai un chemin à travers la foule pour m'éloigner le plus loin possible de lui.

*

Quand j'arrive enfin dans une salle silencieuse sans personne je me sens soulagée mais pas assez pour oublier ce qui s'est passé.

HopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant