"Comme une enfant Abimée" - Castel

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Dorian était debout, fièrement, devant un auditoire. Du coin de l'oeil il devinait les silhouettes délicatement présentes des Elfes Noirs dont le teint gris les détachait de la masse. Le lien devinait la présence de Eago, quelque part dans la grande pièce à la capacité de quatre cent places. Il se sentait vivre. Il se sentait libre, debout là, devant ces étudiant.e.s et le titulaire du cours.

Oui, il avait repris les cours à l'université, rattrapé son retard pour pouvoir passer les examens (NDA : partiels pour les français) et avait pu entamer la seconde année malgré et contre tout. Eago avait cédé. Et il ne cédait jamais. Le Prince ne cédait qu'à son calice. Et, face au mal-être, au sentiment d'isolement et au côté néfaste de tout le temps libre qui permettait au jeune homme de ressasser le passé, la mort de sa mère, la survie de son père, l'épée de Damoclès a dessus de leurs têtes,... Il avait cédé. Un mal pour un bien, dirait une maxime bien connue des mortels.

- Le langage est subtil, et cette subtilité peut être saisie au travers de l'exemple suivant : le sécularisme. Le sécularisme est , par définition, un principe selon lequel les questions religieuses doivent être séparées des questions étatiques. Or, chers auditrices, chers auditeurs, la présentation et la mise en application en découlant , d'une politique sont, selon les sensibilités langagières dues aux modes de vies, interprétés par les individus. De fait, un propos disant qu'un acte est intolérable , tel que le sacrifice rituel du mouton dans un religion que nous ne nommerons pas, est, selon toute vraisemblance, interpréter selon les sensibilités du public.

Dorian savoura un instant le silence du lieu, troublé par le grattement de quelques plumes ou crayons sur les feuilles ou l'effleurement des doigts sur les claviers d'ordinateurs portables. Il expira, un petit sourire sur ses lèvres, alors qu'il changeait de slide pour exposer le visage souriant, empreint d'une bienveillance et aux rides presque réconfortantes de Talal Asad. Le fameux, le fascinant Talal Asad qui avait occupé tout son temps libre avant de pouvoir rejoindre les bancs de l'Université.

- En nous basant sur Talal Asad, un anthropologue de talent à la plume très intéressante, la traduction du terme "intolérable", qui, étymologiquement est interprété comme l'absence, la négation de la "tolerentia" en latin qui est l'endurance, la patience, la capacité à supporter. Donc, il y aurait une incapacité à supporter une pratique rituelle : la sacrifice d'un mouton. Mais, il n'est pas pertinent pour ces même politiques de nommer "intolérables" les pratiques des abbatoires exerçant sur le territoire national? Nous avons tous vu des vidéos scandaleuses et indignantes, ce genre d'images qui provoquent un haut le cœur et un mal être profond...

Dorian vit l'esquisse d'une grimace se dessiner sur quelques visages. Des sourcils se fronçaient. En quelques mots, il avait replongé la moitié de cet auditoire dans de sombres souvenirs, refoulés dans les plus ternes parties de leurs mémoires, dans les tiroirs les moins avenants de leur structure mentale...

- La question est : ce langage, par ces usages dissonants et empreints de jugements de valeurs n'est-il par ce qui freine la communication interculturelle? N'est-ce pas la propension d'ethnocentrisme qui devrait être remise en question au lieu de remettre ne question la culture même d'une communauté? Ne tendons nous pas vers un système de pensée totale en pensant un sécularisme empreint d'ethnocentrisme?

Il y eut une vague d'applaudissements qui fit battre le coeur du jeune calice avec force. Des battements de cœurs animés par une fierté personnelle, par une reconnaissance intellectuelle, par une passion dévorante...

- Sur ces questionnements, je finis la présentation de l'auteur que j'ai choisi : Talal Asad. Merci pour votre attention !

L'auditoire fut traversée d'un déferlement de cris d'encouragements agrémentés d'applaudissement et de mains tambourinant contre les pupitres. Dorian était fier de lui en quittant l'auditoire, son sac sur son épaule, furtivement suivi.

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