Si c'est un don... TOME 3

'' Who is left among us '' Rajieen

La violence finalement c'est la plus pure expression de la profonde fascination naissant dans les êtres qui posent cet acte de violence. Car imposer à la chair et au regard la vermeil de l'être, c'est... Plus que violent. C'est irascible...  Car rien n'est plus ombrageux que de voir, sentir, vivre par ses failles et son impuissance, ce que l'altérité triomphante, riant , toute méprisante, face à l'infirmité d'un corps qui agrippe à sa conscience, tentant d'interférer entre torpeur et douleur. Entre les aléas des nuages qui viennent ombrager lucidité nécessaire, vitale, fuyante... 

- Il me suffit de détourner les yeux, de m'éloigner, pour que roulent des têtes et traumatisent mon malheureux calice... Quelle tête roulera pour cela ? Quelle immortalité disparaîtra pour cela? 

Jacin se tenait là, le calice fébrile d'horreur dans ses bras, une main pâle tentant de couvrir le regard voilé d'abjection d'un londonien qui n'avait rien demandé... Autour de lui, des vampires avides mais tétanisés par l'entrée en scène du Prince, accompagné de ses fidèles compagnons.  Les cinq vampires étaient peu ravis de retrouver le jeune calice dans une situation si peu favorable, traumatique et répugnante...

- Regardez-moi ces déchets, affamés à la senteur de chair et de sang, comment un peu d'hémoglobine peut enflammer des esprits et les mener à de stupides état primitifs comme ceux-ci, grognait Blue, debout à droite du Prince, sourcils froncés, son regard empli de mépris et de répulsion.

- Des larves...

- Qui est cet inconnu tenant notre jeune ami, s'enquit avec ennui Blue.

- Je me posais la même question, sourit sans joie Eago. Qui es-tu, inconnu, pour tenir mon calice, demanda le Prince.

Jacin se sentit presque défaillir face à l'intensité des regards posés sur lui. Il posa devant le Prince le calice fébrile, éclaboussé de l'horreur du monde, le crâne fendu du calice qu'il n'avait côtoyé que quelques instants hantant sa rétine. La violence n'a-t-elle vraiment pas de limites ? La mort de Furie allait-elle servir à rien finalement ? Le combat mené depuis des mois ne faisait-il vraiment pas sens ? Il avait tant sacrifié, tant subi, tant laissé la vie le trainer d'insomnies en cauchemars... La mort de Hermann Goring était-elle si peu effective ? Pourquoi ce calice était mort? Pourquoi avait-il été enlevé ? Pourquoi s'était-il retrouvé dans une vente aux enchère si ouvertement obscènement tournée vers la quête  de chair, sang,  peau, de calices ? A la portée de son horreur, rien ne faisait sens, plus rien ne pouvait l'empêcher de sombrer, sinon la vague de réconfort qui lui embrasait l'être lorsqu'il avait entendu la voix doucement menaçante de Eago.

- Je ne suis qu'un malheureux témoin du rapt de votre calice, je ne suis venu ici que dans le but de le libérer, déglutit Jacin, courbant l'échine, se maudissant d'avoir hésité sur ce toit, face à cette ruelle, et d'avoir tardé... Il aurait évité de se retrouver mêler à cette mêlée sauvage où les pires représentants de leur communautés s'arrachaient les membres d'un calice qui avait été dépecé dans son agonie, son dernier souffle s'étant évanoui dans la douleur et la colère... 

- Il les a empêché de m'atteindre, retentit la voix fébrile de Dorian qui ne tenait debout que grâce à la poigne de Jacin qui n'avait pas osé le lâcher, à quelques pas du Prince exsudant de colère et de violence. Un vampire inébranlable, au sourire figé, et au regard incandescent... Il était aussi effrayant que la rumeur le disait... 

Eago s'avança alors, faisant s'écarter Jacin d'un pas instinctivement, lâchant le calice qui glissa dans l'étreinte de son lié. Il expira de soulagement, sa fébrilité et ses tremblements ne s'apaisant cependant pas, et souffla : 

- Je m'endors... 

-Endors toi seulement, tu en as assez vu, l'enjoignit avec délicatesse Eago en le calant dans ses bras, se détournant du hangar empestant la mort, l'hémoglobine et l'avidité...  

- Vous nous laissez ce privilège, railla dans un sourire âpre Blue,faisant craquer ses phalanges alors que son regard parcourait les nombreux visages épouvantés leur faisant face.

- Dorian est blessé et épuisé, il resta ma priorité. Tuez les tous, ramenez-moi ce maître de cérémonie qui a tenté de vendre mon calice et le bienfaiteur de Dorian, j'ai quelques questions à poser. Que les Elfes Noirs retrouvent les vampires liés à ces malheureux alignés sur l'estrade, leur lien a assez souffert de cette séparation et violence.

- La Tribunal voudra juger le maître de cérémonie, commenta Jade, relevant les manches de sa chemises, prêt à massacrer tous les vampires qui les fixaient avec un terreur grandissante jouissive. Un reniflement dédaigneux répondit à ce commentaire. Au porche du hangar, sa cape couvrant Dorian endormi contre son torse, ne laissant paraître que son nez et sa bouche pour le laisser respirer librement, Eago exposa cette vérité qui avait toujours été une évidence pour ses compagnons :

- Je suis le Prince : je suis la Loi.

Jacin sentit un frémissement d'épouvante le parcourir : il avait choisi le côté de l'histoire qui ne ferait pas rouler sa tête ce soir... Et son éternité lui en était reconnaissante.

- Joignez-vous à nous, cher inconnu, cela ne rendra votre répulsion envers ces agrestes personnages que plus grande. Les plus frêles s'en prennent au plus sacré, c'en risiblement agaçant, tonna Geoffrey en s'élançant vers les vampires en torts, poings dressés, leur éternité se fanant à la rencontre de ses allonges fermes et porteuses de colère et de mépris.

Jacin obtempéra, peu enclin à être pris dans quelque malentendu face au camarades du Prince. De toute façon, il comptait tous les éliminer, car sa fuite en aurait résulté, et la survie du calice du Prince, victime de pensées profanes, en aurait dépendu... Le hangar résonna dans la nuit, sous l'œillade harassée de la Lune qui ne tarda à ciller sous le couvert des nuages.