" Ce qui fait une vie" Judith Butler

185 19 5
                                    

Eago était hors de la base et était sur le chemin du retour dans un humeur massacrante (Dorian le sentait). Il avait été informé par ses camarades de l'incident. Le Sergent Moon s'en voulait de ne pas avoir pu éloigner le soldat récalcitrant sans blesser le calice. L'indiscipline des soldats était le reflet du trouble régnant au sein de la Milice d'Intervention Vampirique depuis le retour du Prince. Jusque-là ces soldats étaient confrontés à l'assurance qu'ils avaient une position d'autorité importante et dont la seule autorité supérieure était le Tribunal. Or , le Prince avait repris la position laissée vacante. Et le rapport d'autorité avait changé. La parole du Prince était loi. Les ordres du Prince n'étaient pas discutables. Non pas parce qu'il était le Prince, mais parce qu'il était le Prince Eago, individu que l'Histoire avait forgé et dont les compétences, valeurs et actions étaient les piliers de son autorité. De sa légitimité. Que des soldats, dont l'histoire dans le monde des Vampires n'était encore qu'anecdotique, s'opposent, en actes, au Prince, était dérangeant. Qu'ils s'opposent en paroles n'était pas un problème, les paroles s'envolent et les écrits restent, dit un proverbe latin...

Installé face à la baie vitrée donnant sur l'entrée de la base, Dorian poussa un énième soupir. L'équilibre précaire sur lequel réside toute légitimité n'est autre qu'une illusion. Il n'y a pas d'équilibre. Pas de légitimité éternelle. Juste un pouvoir ancré et assimilé. Un respect ancré et assimilé. Car le respect est la clé de tout. Et Eago avait, posé sur son ombre, le respect de tous les vampires qui chuchotaient son histoire, ses conflits, son apport à l'hégémonie globale des vampires sur le reste des Créatures. Parce que tout vampire accumule au fil des siècles une connaissance sans égal, il a la stratégie, le savoir, la capacité discursive pour éviter ou gagner tout conflit. Et seules quelques espèces tels les orcs ou gobelins osaient encore se dresser contre cela. Les sorcières avaient cette tendance à ne pas laisser leur position être trop claire, trop attaquable... Rester en retrait leur permettait de prendre leur envol sans se bruler les ailes.

Que des vampires viennent à mettre en péril l'unité qui les caractérisait était inconcevable... Que la Milice ait en son sein des individus puissent de passer outre tout ce qui faisait la stabilité et pérennité de l'hégémonie vampirique.

- Eago est arrivé, annonça Blue en sortant Dorian de ses pensées.

- Qu'allons-nous faire, demanda le calice en se levant, s'étirant dans un léger bâillement.

- Rejoindre l'Allée Mythos. Je pense que ce continent nous a assez déçu pour le siècle, sourit largement le vampire.

- Le continent ou la Milice, sourcilla Dorian en posant un regard sceptique sur le vampire un peu trop détaché.

- Je n'ai aucune légitimité pour porter un jugement sur les actes d'individus associés à la Milice, fit, faussement humblement, le vampire qui affichait le même sourire sans âge.

Dorian leva les yeux au ciel, blasé, et se dirigea vers la porte en se demandant plutôt si finalement les recherches de Eago avaient porté leurs fruits et si Hermann Goring avait enfin été localisé. Une furieuse envie de voir cet individu inerte, ses yeux s'éteindre... Un désir morbide de voir un être parmi tant s'éteindre, dans la plus grande des douleurs et dans un déchirement sans limites. Dorian inspira profondément, fermant les yeux pour chasser cet élan obscur de son âme. Il savait que son âme se teintait et le pire dans cet épisode de son existence c'était... Qu'il ne savait pas avec discernement s'il était ou non dérangé par ce fait.

Il n'avait jamais été très empathique mais il n'avait jamais non plus désiré voir quelqu'un souffrir. Encore moins souffrir au point d'en perdre la vie. C'est comme s'il se détachait de ce qui faisait de lui Dorian Walls, le jeune fils mal-aimé qui était tiraillé entre une mère morte incomprise et un père le voulant mort tout en étant tout aussi incompris... Comme si son quotidien n'était pas celui d'un jeune parmi tant qui ne voulait que vivre la vie semée d'embûches que l'histoire lui proposait. Rien n'allait. Il semblait avoir été privé d'une part de ce qui l'avait jusque là définit et n'avait rien fait pour garder cette part de son individualité. 

________________________

Chères lectrices, chers lecteurs, chères amies, chers amis, 

Je suis ravie de vous retrouver. J'espère que cette sombre période ne vous pèse pas trop et que tout le monde se porte au mieux dans votre entourage. Je vous publie ce bref chapitre afin de vous envoyer un paquet d'ondes positives et d'amour. Je ne vous connais pas mais je vous bombarde d'ondes positives qui, je l'espère, seront ressourçantes. 

Puissions nous dépasser cette période, ce confinement, la douleur de la perte et/ou de l'absence.  

Prenez soin de vous et de ceux qui vous sont chers.

Sofia.

Sofia

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.



Si c'est un don... TOME 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant