les vélos qui mettent en retard

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Asterin grogna lorsque Le temps est bon d'Isabelle Pierre résonna à travers sa chambre. Elle se leva et traversa la pièce en titubant, mal réveillée, pour aller éteindre l'alarme qui continuait de sonner à l'autre bout de la pièce, placée ici pour l'obliger à se mettre debout et ne pas se rendormir.
Aussitôt, elle s'activa. Son alarme sonnait toujours tard pour lui laisser le plus de sommeil possible.

La châtaine enfila rapidement un jean noir boyfriend et un haut blanc simple à manches longues, avec un petit cœur rouge à l'emplacement réel de l'organe. Puis elle fit son lit, et ouvrit les volets.
Enfin, elle fit un passage express dans la salle de bain où elle se brossa les dents, s'appliqua un large trait d'eyeliner souligné de trois petits points de chaque côté de ses yeux gris et ramena son carré long en petit chignon désordonné.
Une mini caresse au chat, et elle était sortie de l'appartement pour aller chercher son vélo dans le local de l'immeuble qu'elle sortit sur la rue.

Elle se tapa alors le front en marmonnant un "merde". Elle avait oublié son sac de cours six étages plus haut, l'ascenseur était en panne et elle était déjà en retard pour ne pas arranger les choses.
Pestant contre sa mémoire, elle fit le plus vite que le permit ses jambes l'aller-retour jusque chez elle et enfourcha son vieux vélo qu'elle avait laissé en vrac sur le trottoir.
Ses mollets qui pédalaient à toute vitesse ne la sauvèrent pas, et le temps de déposer son vélo, il n'y avait plus personne qui traînait sur l'espace devant l'établissement.

Le problème est qu'elle était nouvelle, et que par conséquent, elle n'avait aucune idée de l'endroit où se rendre. Aucun surveillant dans les parages. Alors elle erra, et après quelques dizaines de secondes tomba nez à nez au coin d'un bâtiment avec une femme qui avait l'air plutôt pressée. Elle devait avoir trente ans et ses yeux marrons étaient encadrés de cheveux brun clair coupés aux épaules, qui étaient désordonnés. Désordonnés, oui, mais de manière ordonnée. Déconcertant, somme toute.

- Élève? la questionna-t-elle simplement.
- Heu, oui?
- Suis-moi.

Asterin fit donc demi-tour sur les talons de cette femme, prête à se faire sermonner pour être arrivée en retard. Elles arrivèrent après quelques pas à une porte devant laquelle elle était déjà passée mais sans s'y arrêter.

- Laisse-moi parler. lui intima l'adulte.

Hochement de tête.
Elles passèrent une première porte, puis une deuxième quelques pas plus loin, qui débouchait sur un amphithéâtre. Empli de monde.
Sur l'estrade, un homme âgé avec un air assez sévère arrêta de parler au micro.

- Excusez-nous pour notre retard, mais je me suis accrochée en voiture à cette jeune fille.

Le directeur, qu'Asterin avait reconnu pour avoir passé avec lui son entretien, hocha simplement la tête et fit un signe de la main invitant la femme qui venait de couvrir la châtaine à descendre sur l'estrade.
Asterin s'assit simplement au dernier rang qui était presque vide et passa en mode veille lorsque le directeur reprit son discours ennuyant et que la professeure qui l'avait excusée se fut assise derrière lui à côté de quatre autres personnes.

Une seule question tournait en boucle dans sa tête : pourquoi m'a-t-elle aidée et surtout couverte? Soit, elle était elle aussi en retard, et cela lui fournissait une excuse, mais elle aurait très bien pu s'en trouver une autre.
Elle sortit de ses pensées lorsque le directeur présenta les cinq personnes assises derrière lui comme étant les professeurs principaux des classes de seconde du lycée.

Ainsi, Asterin enregistra que la brune qui l'avait couverte était Mme Sorin, chargée de la classe de seconde 5, et professeure de chimie.
Une prof en retard dès la rentrée, ça promettait... Mais bon, elle n'avait pas vraiment son mot à dire étant donné qu'elle aussi n'avait pas été à l'heure.
Le directeur reprit alors la parole pour commencer à appeler élève par élève les secondes 1. Ils partirent tous à la fin, puis suivirent les secondes 2, les 3... Une fois que la liste d'appel par ordre alphabétique des 4 eut dépassé son nom de famille, Enger, elle sourit intérieurement. Elle allait être en 5, avec donc Mme Sorin.

Les élèves appelés pour la classe n°4 se levèrent, et le regard de la professeure restée sur l'estrade croisa celui d'Asterin. La femme lui sourit avec les yeux, sourire qu'Asterin lui rendit.
Elle allait s'amuser.

***

À la fin de l'heure et demie que durait les cours cette première matinée, Asterin rangea ses affaires lentement. Elle avait sympathisé avec sa voisine, qui lui fit la bise.

- À demain Aste!
- Ouais, à demain!

Elle s'appelait Leane Ered, une jolie blonde aux yeux brun clair, et l'ordre alphabétique du plan de classe les avait fait discuter pendant l'ennui des premières informations souvent inutiles données en début d'année.
Lorsqu'il ne resta plus que la professeure, Asterin s'approcha de son bureau et lança :

- Merci pour tout à l'heure, alors que vous auriez très bien pu me laisser me débrouiller avec des excuses pourries.

Mme Sorin leva la tête de ses affaires et lui sourit avec douceur :

- Mais de rien, j'ai bien vu que tu étais perdue. Et puis ce n'est pas la première fois que je suis en retard, le directeur m'avait menacée de sanctions si cela se reproduisait.

Ces mots avaient été entendus d'Asterin mais étaient un peu passés en arrière-plan tant elle était captivée par la profondeur des yeux pourtant simplement bruns de sa professeure.
Elles se sourirent et, le sac sur le dos, Asterin lui tourna le dos pour se diriger vers la sortie de la salle de classe.

- Au revoir! dit-elle sans se retourner.
- À demain, Asterin. lui répondit la brune.

Elle sourit tout en continuant son chemin vers l'extérieur.
Plutôt mignonne. Ça peut être amusant.
Asterin chassa aussitôt cette réflexion de ses pensées. On ne jouait pas avec ses professeurs. Mais en même temps, ça pourrait amener du piquant à cette année qui s'annonçait déjà assez fade.
À voir.

***

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