effondrement

938 62 27
                                    

- Mais de quoi est-ce que tu me parles?

La poker face de Mme Sorin était impeccable. Elle arborait un air surpris et questionnateur, alors qu'à l'intérieur, tout s'était subitement effondré.
Les quelques mètres qui la séparaient de Leane lui semblaient à la fois minuscules et gigantesques. Celle-ci, les bras toujours croisés contre le mur à côté de la porte, maintenait un visage impassible. La professeure n'avait aucun moyen de la décrypter.

- C'est dingue, si j'étais pas sûre de mon coup je vous aurais crue. Comme quoi le jeu parfait sur les apparences est de famille.
- Leane. Si tu es là uniquement pour me sortir des histoires à dormir debout, j'aimerais continuer à jouer. Seule, s'il-te-plaît.

À ces mots, Leane se décolla du mur et commença à avancer, un pas après l'autre lentement, vers Mme Sorin. Celle-ci se releva aussitôt et recula au fur et à mesure que la blonde avançait, sans la quitter des yeux.

- Et si j'avais encore besoin d'une confirmation, votre attitude en est une.
- Je ne suis pas ta mère, Leane.
- Oh, par pitié, osez me dire que ces mots ne vous arrachent pas la bouche!

Héloïse se heurta à un mur.

- Leane.
- Osez!
- Arrête. S'il-te-plaît.
- OSEZ!

La lycéenne était arrivée à un mètre seulement de sa professeure, et était à présent dans un état de rage apparent. Sa respiration était accélérée et ses yeux écarquillés.

- Vous m'avez abandonnée. Lâchement. Alors que j'étais votre enfant.
- Leane...
- VOTRE ENFANT! Vous m'avez mis au monde, et VOUS...

Elle colla son index à la poitrine de Mme Sorin.

- M'avez laissée seule! Un bébé, tout seul!

Une larme coula sur la joue de l'adulte.

- Vous savez ce que ça fait de sentir la solitude venir nous hanter, au plus tard de la nuit, pour nous rappeler qu'on a personne? Que même l'humain censé nous aimer plus que tout a considéré qu'on ne valait rien?
- Ce n'est pas...
- NAN! JE VEUX PAS VOUS ENTENDRE!
- Je ne voulais pas, Leane! d'une voix brisée.

De gros sanglots agitaient à présent Héloïse, et les yeux de la blonde s'étaient emplis de larmes.

- Vous... M'avez... en appuyant plus fort à chaque mot son index.

Mais elle ne put finir sa phrase, coupée par un hoquet.

- Leane...

Larmoyantes toutes deux, le silence s'installa pendant qu'elles ne pouvaient quitter les yeux de l'autre. Le doigt de Leane retomba avec son bras le long de son corps, et lorsque Mme Sorin leva doucement sa main pour la poser sur la joue de Leane, elle l'arrêta en attrapant son poignet.

- Non.
- Leane...
- Arrêtez.
- Arrêter quoi?

Le bras de Mme Sorin retomba le long de son corps.

- Vous savez très bien de quoi je veux parler. Alors arrêtez.

Il y eut un petit moment de silence.

- Je t'aim...
- NON!
- Lea...
- NON! NON, NON, NON! VOUS N'AVEZ PAS LE DROIT!

La main d'Héloïse se posa sur sa propre bouche pour étouffer ses sanglots qui reprenaient de plus belle.
Le visage maintenant inondé de larmes, Leane demanda après une grande inspiration saccadée :

- Pourquoi?

Face à l'abscence de réponse de sa professeure, Leane répéta :

- Pourquoi accoucher sous X?

Where did we get there?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant