parler un peu mais bien trop

742 50 0
                                    

Aliona tournait en rond dans l'entrée de son appartement. Stanislav allait arriver d'un instant à l'autre, en ce 31 décembre. Elle avait commencé à se ronger les ongles, et était passé après avoir massacré sa main gauche au pouce de sa main droite. Son majeur gauche en saignait même, mais elle stressait et angoissait tellement qu'elle ne s'en rendait pas compte. Elle avait peur de ce que son mari pourrait faire et dire lorsqu'elle lui annoncerait son souhait de divorcer et de garder le fœtus qui grandissait en elle. Il serait capable d'en demander et obtenir la garde complète.

Elle avait finalement tranché et s'était décidée à garder son enfant. Leane l'avait grandement aidée en l'épaulant pour poser à plat tous les arguments pour et contre. Elle avait conclu que si elle avortait, elle le regretterait énormément et qu'elle avait envie d'élever un enfant, lorsqu'elle n'en avait pas eu l'occasion avec Leane.
Après tout, elle n'avait que trente-quatre ans et estimait qu'elle aurait l'énergie de s'en occuper.

L'argent, c'était autre chose. Stanislav avait une petite fortune sous la main, qu'il avait acquise en gravissant très rapidement les échelons dans son entreprise. Ainsi, l'avenir d'Aliona et de son enfant dépendaient presqu'entièrement de la discussion qu'elle allait avoir avec son mari. Pas qu'elle était entièrement dépendante et en couple uniquement pour l'argent, d'ailleurs, quand ils s'étaient mariés, Stanislav n'avait pas d'emploi fixe. Mais maintenant la donne avait changé, et Aliona avait besoin de stabilité. Pas forcément de ses sous, mais au moins de soutien. Car malgré l'amour disparu, ils éprouvaient tous deux une profonde affection envers l'autre. Et sans ce soutien, elle ne savait pas si elle réussirait à s'en sortir.

L'ongle de son pouce droit avait maintenant raccourci de moitié et elle allait enchaîner avec l'index quand un bruit de clé dans la serrure l'interrompit, ainsi que son mouvement de tourner en rond. Elle se figea et tourna la tête vers l'entrée. Stanislav apparut derrière, suivi d'une valise, et lui aussi immobile, la main sur la poignée, ils se fixèrent de longues secondes. Il n'y avait aucune colère. Juste de la fatigue, de l'épuisement, à force d'essayer de faire marcher cette relation vouée à l'échec.

- Bon, eh bien... Je suis rentré.
- Tu es rentré, oui...

Mais ils restèrent plantés là, sans bouger. Aliona finit par s'écarter pour l'inviter à passer, même si il y avait déjà assez de place pour qu'il le fasse, et il s'exécuta, laissant sa valise à côté de la porte qu'il referma derrière lui. Il s'assit ensuite à la table de la cuisine pendant qu'Aliona commençait à préparer du café, dos à lui devant le plan de travail. Il était quinze heures.

- Est-ce que tu as envie de le garder?

Le ton était calme. Bon point, nota Aliona. Il n'était pas en colère.

- Oui. Et je vais le faire.
- Avec moi dans sa vie?

Toujours dos à lui, la professeure haussa les épaules. Puis elle se retourna, deux tasses de café en main, et s'assit en face de lui en lui donnant sa boisson.

- Je n'ai honnêtement aucune idée de la réponse à cette question. Je suppose que ça sera sûrement un peu comme toi, tu en as envie. Ce dont je suis sûre, par contre, c'est qu'on va se séparer.

Stanislav afficha un petit sourire triste et résigné. Il savait qu'elle ne reviendrait pas sur cette décision.

- À toi de me dire si tu envisages ça à l'amiable ou si je dois me trouver un avocat. continua-t-elle.
- Pas besoin de ça. Et je te verserai une pension pour le gamin, du montant que tu voudras. Ça ne me pose aucun souci.

Aliona se détendit. Stanislav voyait la situation du même œil qu'elle.

- Merci. souffla-t-elle.

Where did we get there?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant