sans un doute sans un rêve

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Quand Alhan s'était installé à la table de sa cuisine, Aliona était restée debout, préparant deux cafés, dos à lui. En réalité, elle essayait surtout de repousser au maximum la discussion qu'elle allait avoir avec son père.
Cependant, elle ne pût faire traîner le moment indéfiniment et se résolut à se retourner lorsque les deux tasses furent pleines. Elle les posa et s'assit, mal à l'aise, face à Alhan. Son expression faciale était indéchiffrable.

- Tu es enceinte.

La remarque tendit encore plus l'enseignante, qui répliqua d'un ton sec :

- Oui.
- Tu l'étais, quand tu es venue en janvier ?
- Oui.

Alhan fit une pause, les sourcils froncés.

- J'ai failli faire tuer mon petit-fils ?

Acerbe, Aliona répliqua durement :

- Oui.

Se cacher derrière des répliques aussi brèves était la seule protection qu'elle avait, avec ses bras croisés sur son torse.
L'homme face à elle déglutit, mal à l'aise. Lui qui avait l'habitude de la réprimander quand elle laissait paraître un semblant d'insolence, ne savait pas comment réagir lorsqu'il avait décidé de ne pas le faire. Il n'était pas venu pour bloquer encore plus la situation avec sa fille.

- Audra ne saît pas que je suis là.

Aliona ne répondit ni à voix haute, ni d'un quelconque geste. Elle jaugeait son père, sur ses gardes. Elle ne savait jamais à quoi s'attendre avec lui. Il pouvait très bien lui demander de rentrer tout de suite en Russie, sans condition, tout comme lui dire que le deal était annulé. Alors savoir si sa mère était là ou pas était bien le cadet des soucis de la professeure.

- Tu comptes m'ignorer longtemps ?

Le ton n'était étonnement pas agressif, mais la réponse d'Aliona fût tout de même implacable :

- C'est bien ce que tu as fait envers moi pendant trente-quatre ans, non ?

Alhan remua sur sa chaise, mal à l'aise. Elle était trop petite pour son corps, et il se sentait dans un environnement hostile face à sa fille.

- Audra ne...
- Excuse.
- L'entreprise ne me laissait pas...
- Excuse.
- Je n'avais pas l'impression que...
- Excuse. siffla Aliona entre ses dents, avec encore plus de fiel que les fois précédentes.
- Tu ne me laisses même pas terminer mes phrases, comment peux-tu savoir ce que je vais dire ?
- Oh, pas à moi, hein. Audra ne te laissait pas faire, l'entreprise te prenait tout ton temps, et tu n'avais pas l'impression que j'avais besoin de toi. Ce n'est pas très compliqué.

Le vieil homme resta interdit un instant, sidéré que sa fille l'ait aussi bien cerné, mais également par l'agressivité apparente qu'elle avait à son égard. D'un autre côté, il s'y attendait. Mais il avait pensé qu'au moins, Aliona le laisserait aligner trois mots.

- Stanislav n'est pas là ? finit-il par demander, tournant un peu la tête à droite et à gauche.

Aliona décida de ne pas relever le changement de sujet, même si elle avait beaucoup de choses à reprocher à son paternel sur ce point.

- Nous avons divorcé il y a deux mois.

Alhan se renfrogna. Si il avait toute la volonté de faire un geste envers sa fille, il restait issu de la haute bourgeoisie, d'une famille très conservatrice, qui ne tolérait pas les divorces. Et encore moins quand la femme attendait un enfant.

Where did we get there?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant