comprendre

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Allongée dans son lit, les yeux fixant le plafond recouvert d'étoiles phosphorescentes, Asterin se tournait et se retournait dans son lit sans réussir à trouver le sommeil. Il était quatre heures du matin passées, et le lycée le lendemain lui semblait si dérisoire que cette insomnie ne lui avait pas fait penser une seule fois à l’état dans lequel elle devrait suivre ses cours le lendemain.

Après que Mme Sorin lui ait adressé ces sept petits mots, sept petits mots dévastateurs, "elle a fait une tentative de suicide", elles étaient restées dans les bras l’une de l’autre durant de longues minutes. Asterin, sous le choc, n’avait pu que laisser les larmes couler de ses yeux sans réussir à prononcer ne serait-ce qu’un seul mot. Quant à elle, Mme Sorin n’avait pas réussi à arrêter de pleurer incontrôlablement comme une enfant jusqu’au moment où elles avaient enfin pu voir Leane, à l’hôpital.

- Emmenez-moi la voir. avait juste demandé Asterin.

Et sans un mot de plus, les deux étaient parties dans la voiture de la professeure jusqu’au centre hospitalier de la ville, qui était aussi celui où travaillait Amélie Enger, la mère de la châtaine. Asterin avait laissé son vélo à l’endroit où ils étaient tous entreposés dans le lycée, se disant qu’elle irait en bus le lendemain matin.
La route s’était faite dans un silence de plomb, aucune des deux ne parlant. C’était Asterin qui s’était mise derrière le volant, puisqu’elle avait sa conduite accompagnée et que l’état dans lequel était Mme Sorin ne lui permettait pas de diriger une voiture. Pas vraiment légal, mais pas vraiment le choix.

Les seules paroles qu’elles échangèrent furent juste avant de monter dans le véhicule :

- Pourquoi ça vous touche autant? avait timidement questionné Asterin.
- Hyperémotivité. lui avait répliqué entre deux sanglots la brune.

La lycéenne lui avait fait un sourire triste avant de prendre d’entre les mains de sa professeure les clés de voiture. Celle-ci n’avait pas protesté et était allée s’asseoir d’elle-même sur le siège passager.

Arrivées et devant la porte de la chambre de Leane, Mme Sorin avait refusé d’entrer.
Étrange. avait pensé Asterin. Mais après tout, peut-être qu’elle se serait complètement effondrée en réalisant visuellement à quel point toute cette situation était réelle.

Seules dans le petit espace, les deux amies n’avaient pas échangé un seul mot, se contentant d’une longue et réconfortante étreinte. Puis Asterin avait caressé tendrement la joue de Leane puis lui avait embrassé le front avant de lui chuchoter "je suis là, maintenant" et de partir avec un dernier sourire réconfortant et petit au revoir de la main.

Sortant dans le couloir, la châtaine avait eu la surprise de trouver sa mère et sa professeure principale assises côte à côte sur le sol et contre le mur, Mme Sorin dans les bras de l’autre, toujours sanglotante. Aucune des deux ne l’avait aperçue, aussi les laissa-t-elle un peu seules et partit aux toilettes. Elle connaissait cet hôpital comme sa poche, et ce pour deux raisons : la première, elle adorait y passer ses journées à vadrouiller dans les couloirs, plus jeune, et cela évitait à sa mère d’avoir à embaucher une nounou. La seconde était qu’à force d’enchaîner les coups de poisse, elle s’était cassé, tordu, froissé voire même fracassé pas mal de membres, la conduisant donc tout droit en ces lieux.

De l’entrée de la pièce, à droite s’alignaient quatre lavabos chacuns surmontés d’un miroir, opposés au même nombre de cabines du côté gauche. Elles étaient toutes, à ce moment, vides.

Seule face au miroir le plus au fond, Asterin s’autorisa à pleurer, mais vraiment cette fois. Son sac qu’elle portait sur l’épaule depuis la descente de la voiture de Mme Sorin tomba au sol. Elle l’avait peu montré, mais dès que les mots fatidiques étaient sortis de la bouche de sa professeure, elle avait été profondément ébranlée. Jamais elle n’aurait pu imaginer perdre aussi brutalement, du jour au lendemain, quelqu’un d’aussi proche. Car malgré le caractère plus que récent de leur amitié, les deux s’adoraient. Encore la veille, elles étaient restées au téléphone jusqu’en fin de soirée, mais Asterin n’avait rien remarqué d’anormal. Et pour ça, elle s’en voulait terriblement. 

Where did we get there?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant