vide attirant

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La sonnette qui retentit dans l'appartement d'Héloïse ne réussit pas à la sortir d'un état de lattitude profond. Elle ne ressentait plus que du vide, allongée dans un bain depuis si longtemps que l'eau avait entièrement refroidi.
Ce fut des tambourinements à la porte qui la firent enfin bouger un peu, et c'est très lentement qu'elle amorça son chemin vers l'entrée, s'enroulant au passage dans une serviette lui descendant mi-cuisse et passant sous ses épaules. Ses cheveux trempés laissaient l'eau froide couler dans son dos et elle tremblait déjà, ne regrettant pas pour autant d'être restée assez longtemps immergée dans la baignoire.

Les coups rapides se répétèrent juste avant qu'elle n'insère la clé dans la serrure, lui donnant le réflexe même à travers sa léthargie de jeter un coup d'œil à l'œillet. Elle reconnut Leane, mais cela ne suffit même pas à lui arracher un semblant de sourire.
Lorsqu'elle ouvrit enfin, sa fille la dévisagea un instant avant de lâcher d'un air soucieux :

- Vous... Tu as une tête horrible.

Mme Sorin ne réagit même pas, se contentant de s'effacer pour laisser passer la lycéenne. Elle ne savait même pas quelle heure il était.
Dans le couloir de l'entrée, Leane s'arrêtait au seuil de chaque pièce pour observer l'appartement de la professeure.

- Je me suis inquiétée quand j'ai vu que vous... tu, décidément, ne répondais pas au téléphone. lança-t-elle du salon où elle était entrée.

Aliona s'avança jusqu'au seuil de cette pièce. Leane se tourna vers elle pour la regarder dans les yeux.

- Ton message m'a fait plaisir, même si c'était assez bizarre de l'envoyer à six heures du mat' alors qu'on est en vacances. Mais comme tu ne m'as pas répondu de la journée ni par message, ni à mes coups de fil, je me suis dit que quelque chose clochait. Bon, ok, ça arrive à tout le monde un jour off, alors... Mais pas de réponse ce matin non plus?

Il y eut un silence. Aliona ne montrait toujours aucune réaction, et cela commençait à sérieusement inquiéter Leane.

- Maintenant je comprend, tu as dû traîner sous la douche depuis hier matin.

Ce qui était au départ une plaisanterie se transforma avec un regard enfin quelque peu expressif de la professeure en phrase lourde de sens.

- Tu n'as pas fait ça? chuchota Leane.

Un frisson particulièrement fort d'Aliona confirma les doutes de la blonde. Celle-ci s'avança alors vers sa mère du milieu de la pièce et lança en lui attrapant la main à la fin de sa phrase :

- Tes doigts sont presque bleus...

Aussitôt, Aliona fit un bond en arrière en réaction au toucher et à la phrase de sa fille qui ressemblait bien trop à celle d'Adrien, qui ne devait sûrement pas s'appeller réellement comme cela.
Les yeux de la professeure se remplirent de larmes et elle fixait à présent Leane sans vraiment la voir, son image remplacée par celle d'Adrien qui lui lançait un regard et un sourire malsains.
Elle se recroquevilla contre le mur auprès duquel elle était arrivée avec son bond en arrière en sanglotant, les mains contre les oreilles et les yeux fermés de toutes ses forces. La serviette qui couvrait son corps laissa dans la manœuvre une grande partie de son dos nu mais elle ne s'en rendit pas même compte, luttant avec le peu d'énergie qu'il lui restait contre les souvenirs qui l'assaillaient. Mais elle n'avait pas assez de force. Cela faisait plus de cinquante-cinq heures qu'elle n'avait pas fermé l'œil, sa dernière nuit de sommeil ayant eu lieu de dimanche à lundi. Dans ce long bain où, il faut dire ce qui est, elle se serait laissée mourir sans l'intervention de Leane, le sommeil n'avait pas réussi à percer sa bulle de latence. De plus, elle n'avait pas non plus avalé quoi que ce soit depuis lundi soir, où elle avait descendues les deux bouteilles d'alcool qu'elle avait vomi en rentrant chez elle, juste avant d'entrer dans sa baignoire.

Where did we get there?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant