CHAPITRE 10 : Alaesa

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« L'Empire Pourpre possède une structure politique très organisée. L'Empereur est à la tête du Sénat, composé de cent-sept nobles. Pas un de plus, ni de moins. Tous les Sénateurs doivent être nés au sein d'une province impériale et de noble naissance, peu importe l'influence de leur famille. L'Empereur nomme et défait ses Sénateurs. Seulement, aucune femme ne peut prétendre au titre de Sénatrice. »

Journal de bord de l'érudit Alec Caelienus, membre du 4ème Cercle des Sages.

Alaesa profitait de la chaleur automnale qui s'abattait sur la capitale impériale tout en savourant un thé avec Elenys. Assises sur une terrasse ombragée et protégées par la présence discrète de Vaamar, les deux amies profitaient de ce moment de paix où la société impériale tournait au ralenti. Mais sa peau la démangeait. Aussi, Alaesa touchait régulièrement sa plaie, qui s'étendait de sa joue à sa lèvre. Le souvenir du coup perdu de Gaenor était toujours aussi douloureux, même cinq jours après.

— Vous devriez laisser le produit agir, princesse, lui conseilla Elenys.

— J'espère que la cicatrice ne sera pas trop visible, et que la douleur partira. Je serai la honte de l'Empire, si Père n'arrive pas à me trouver un époux.

Elenys grogna et reposa sa tasse. Alaesa, étonnée, cessa elle aussi de boire.

— Que t'arrive-t-il ?

— Vous êtes une princesse impériale. Vous êtes le seul enfant légitime de l'Empereur. Vous êtes, en plus de tout cela, la descendante du Conquérant, Aodren Beodan, par votre mère. Je pensais que vous seriez un peu plus ambitieuse.

— Que veux-tu dire ?

— Je ne vous vois pas rester toute votre vie dans l'ombre d'un mari. Vous êtes, par votre naissance, plus puissante politiquement que n'importe quel homme. Même les Sénateurs ne jouissent pas de la prestance de votre lignée. Ils devraient s'agenouiller devant vous.

Alaesa cilla puis réfléchit. Pendant toute son enfance, la princesse était restée dans l'ombre de son demi-frère, violent et impulsif, qui occupait toute l'attention de l'Empereur. Jamais elle n'avait pensé pouvoir devenir aussi importante que lui, par sa condition de femme, peu glorieuse au sein de l'Empire Pourpre. Ici, les femmes ne servaient que de monnaie d'échange pour enrichir sa maison et obtenir des héritiers. Les femmes de pouvoir n'existaient pas.

Pourtant, Elenys avait raison. Avec sa position privilégiée, elle pourrait agir.

— Je ne sais pas ce que penserait Père de tout cela...

— L'Empereur vous aime et vous encouragerait dans n'importe quelle voie. Croyez-moi, princesse.

Alaesa hocha la tête. Elle aimerait y croire dur comme fer.

— Mais... toi, quand tu as voulu tracer ta propre voie, ta famille t'a tourné le dos. Depuis combien de temps n'as-tu plus revue ta mère, l'Impératrice de Varkheïn, princesse Elenys Erokhan ?

Sa question plongea Elenys dans l'embarras. Alaesa s'en sentit gênée. Parfois, elle parlait avant de songer aux conséquences de ses mots. Quand elle vit les yeux brillants d'Elenys, elle voulut s'excuser. Mais son amie termina son thé et se releva.

— J'ai choisi ma voie depuis longtemps. Parfois, il est nécessaire de faire quelques sacrifices. Réfléchissez bien à ce que vous pourrez supporter, princesse, avant de choisir votre propre chemin.

Elenys s'inclina devant Alaesa et quitta la terrasse. Vaamar sortit de l'ombre et s'approcha de sa cousine. Il regarda la direction dans laquelle venait de disparaître l'Acolyte Pourpre avant d'observer la princesse.

Manipulateurs I - Le Lion sans CouronneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant