La guerre est terminée. Les neuf Royaumes Unis d'Ebôran ont été vaincus. La maison Beodan, éradiquée. L'Ordre du Dragon, anéanti.
Depuis dix-sept ans, les peuples d'Ebôran, privés de leurs Manipulateurs, sont soumis aux dures lois impériales. Depui...
« L'épée d'un Manipulateur est son arme la plus précieuse. Jamais, en aucun cas, il ne doit la perdre. Il est lié avec sa lame comme avec son Spectre. Les Apprentis Manipulateurs ne peuvent prétendre au titre de Chevalier s'ils ne parviennent pas à trouver la pierre précieuse qui sera incrustée dans le pommeau de leur arme. »
Extrait du journal de bord de Servan Balerion, Chevalier de l'Ordre du Dragon.
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Saren se dirigeait vers l'Ouest.
Depuis qu'il était remonté à la surface par une caverne encore non découverte par l'Empire, il avançait péniblement dans la neige. Même entre les troncs des sapins de la grande forêt de la province de Nordan, elle demeurait épaisse. Il s'y enfonçait parfois jusqu'aux hanches. Heureusement, Saren venait d'Erdan et était habitué à ces conditions climatiques extrêmes.
Le Manipulateur affamé puisait dans ses dernières forces pour atteindre le sommet d'une ligne de crête d'où il aurait un plus large point de vue sur sa destination. Dans le ciel, les nuages rougeoyaient, preuve que l'aube approchait à grands pas. Saren avait voyagé toute la nuit, sans se reposer, de crainte de geler. Ici, en plein hiver, la nature tuait plus aisément qu'un Spectre fou. Il comptait dormir une fois à destination.
Saren avait une idée en tête.
Les derniers mètres qui le séparaient du faîte de la colline furent un véritable calvaire à gravir. La neige ralentissait sa progression et l'épuisait. Mais il n'abandonna pas et parvint finalement à se hisser sur la crête, où il exhala un long soupir de soulagement et se laissa tomber à genoux, harassé. Il reprit ses esprits puis s'inclina avec respect. Il eut alors envie d'adresser une oraison à Aerin, la Divine de la Vie.
— Ô noble déesse, si tu entends ma voix, écoute ma prière. Je te remercie de me faire voir chaque nouveau jour qui s'offre à ta lumière. Mais je t'en supplie, dis-moi : quel est mon but ? Pourquoi est-ce que je me bats ? L'Ordre du Dragon est anéanti, les Neuf Royaumes que j'avais jurés de servir sont tombés sous le joug de l'Empire... Quel est mon rôle, maintenant ? Dois-je continuer le combat ? Je suis las d'errer sans fin, d'enchaîner les travaux qui n'ont pas de sens pour moi...
Sa voix mourut dans le vent. Saren termina son monologue par une formule de bénédiction prononcée en Ivari :
— Draë negholios audr mernya, Luinil-Iesta.
Le Manipulateur baissa la tête et ferma les yeux. Son poing se saisit de la neige fraîche et la répandit autour de lui, comme une sorte d'offrande. Il ne pouvait rien donner de mieux.
Une rafale glaciale balaya la crête, provoquant un frisson le long de l'échine de Saren. Il se frictionna les doigts, protégés par ses gants en cuir, et se releva. Un objet glissa hors de son doublet de fourrure. Il s'en saisit de la main droite, intrigué.