Manipulateurs I - Le Lion sans Couronne

CHAPITRE 35 : Alaesa

La ville de Sjena est située à la pointe nord de l'Empire. C'est une cité militaire, bâtie là des milliers d'années plus tôt pour protéger la frontière impériale des menaces du continent d'Haroth. Elle ne connaissait pas la chaleur du désert. Non. Elle, elle subissait toute l'année des températures froides en raison des courants d'air qui descendaient depuis les terres septentrionales d'Haroth. La neige était la meilleure amie de ces habitants robustes.

Géographie d'Ebôran.

Alaesa regardait le Spectre de Feu de son père qui survolait la mer déchaînée. L'immense entité spectrale déchaînait peur et fascination depuis la création du monde. Ses ailes de feu, immenses, mesuraient plus d'une centaine de mètres.

Alors qu'ils étaient en route pour Sjena, l'Empereur avait subitement abandonné le convoi et laissé la garde de sa fille à Vaamar pour disparaître à l'est, bien au-delà des terres natales de l'Empire. Qu'avait-il senti ? Que s'était-il passé ? Elle espérait qu'il lui explique, mais elle n'en était pas sûre.

Le Spectre de Feu atterrit non loin du convoi impérial, déposa Staelix au sol avant de disparaître dans un tourbillon de flammes. L'Empereur remonta la colonne de cavaliers et de chars sans prononcer le moindre mot et intima à sa fille de remonter à bord du carrosse qu'ils partageaient avec Vaamar. Une fois tous installés, le convoi se remit en mouvement, droit vers le nord. Il attendrait sa destination d'ici la fin de la journée.

Cela faisait plusieurs jours que père et fille étaient partis de Vorath'Rohl pour rallier Sjena. Un navire aux couleurs de la maison Arkheren venait d'y accoster. Le seigneur de Sjena demandait une audience avec l'Empereur.

Voyant que son père ne parlait pas, Alaesa se cala contre la fenêtre et observa le paysage couvert de neige et dentelé de montagnes sauvages qui se découpaient autour de la route. Quelques paysans labouraient leurs champs, profitant des pluies froides qui avaient humidifié la terre. Le convoi croisa quelques cavaliers en patrouille, portant hauts les couleurs du seigneur de Sjena.

— As-tu pris le temps de réfléchir à ce que je t'ai demandé, Alaesa ? s'enquit Staelix.

— Au sujet du Sénat ?

— Oui.

— Je pense que le Sénateur Adham Almaoui devrait reprendre ses fonctions. Tout comme le prince Rivan. Pour le reste, nous devons nous entourer de personnes fiables qui mettront leur énergie dans la guerre.

— Bien. C'est aussi pour cela que nous allons à Sjena. Cette ville a été attaquée par plusieurs navires pirates. Ils ne supportent plus ces incursions et veulent que je prenne de réelles mesures pour lutter contre eux. J'ai beau patrouiller sur le dos du Spectre de Feu, cela ne les effraie pas. Soit ils sont courageux, soit ils sont stupides.

— Qui ne craint pas le Spectre de Feu ? s'étonna le prince Vaamar.

— Je ne pense pas que nos ennemis, tapis dans l'ombre, soient stupides. Je suis sûr qu'ils agissent au nom d'une puissance qui m'est bien supérieure. Cela expliquerait pourquoi la vue de mon Spectre ne leur fait pas le moindre effet.

Alaesa frémit. Quelle puissance pouvait bien surpasser celle de son père ? Staelix était réputé pour être le Manipulateur le plus doué de sa génération. Une autre question taraudait l'esprit de la princesse :

— Est-ce pour cela que vous vous êtes envolé subitement sur le dos du Spectre de Feu ? Que s'est-il passé ?

— J'ai senti un Pouvoir puissant et étrangement familier, sur les côtes d'Ebôran, à proximité de Galdor. C'est là que j'ai envoyé Elenys enquêter. Je sais aussi que Gaenor y est en ce moment, mais ce n'est pas son Pouvoir que j'ai perçu. Mais je voulais être sûr de ce que j'ai senti. Et je ne suis pas déçu.