Chapitre 3 | Fille de la lune

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— Neuf, dix et onze minutes, calculé-je rapidement

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— Neuf, dix et onze minutes, calculé-je rapidement.

Faut-il vraiment autant de temps pour parsemer un café de cannelle ? D'un geste vif, mes doigts se posent contre mes tempes afin de libérer mon crâne d'une imminente migraine. Je quitte mes lunettes, celles qui me donnent une tête d'intello qu'on hait plus que tout, et étire doucement ma nuque endolorie.

— Je vais faire un meurtre dans les plus brefs délais, chuchoté-je en glissant mon carnet de notes dans mon sac.

Mes mains dominent l'appareil en gigotant nerveusement, les doigts affolés à l'idée de parcourir le clavier une nouvelle fois. Mais pour écrire quoi ?

« Elle ne se rendait pourtant pas compte de la chance qu'elle avait de l'avoir, de cet inestimable cadeau que représentait sa présence à cet instant. Non, elle était simplement éperdument amoureuse, trop naïve pour saisir, trop impatiente pour profiter de »

Pour profiter de quoi ? De la vie ? De lui ?

Je secoue la tête, ayant visiblement atteint mon seuil de tolérance. Je sature, incapable de terminer le chapitre en cours. De toute façon je n'écris jamais assez ces derniers temps, trop d'idées, peu de temps, tout s'embrouille.

— Je vais l'emporter, grogné-je à la serveuse qui dépose ma boisson sous mon nez.

Elle hausse les sourcils, mais accepte sans rechigner. Quelques minutes plus tard, je peux enfin quitter les lieux, sortir prendre l'air. La chaleur me fouette le visage, tout comme le soleil m'aveugle. Cette saison n'est décidément pas ma favorite. Les touristes et les enfants m'insupportent, et dieu sait combien ils sont nombreux dans les rues de Los Angeles, même à quelques jours de la rentrée.

Par réflexe, mes pas s'orchestrent entre eux et tracent leur route jusqu'au disquaire le plus proche. Depuis six mois, il ne s'est pas passé un jour sans que la clochette d'entrée sonne mon arrivée.

De toute façon, il fallait que je m'y rende, Théo ne peut se passer de moi, pensé-je uniquement pour mettre un motif sur ma nouvelle addiction.

L'ambiance et l'atmosphère sont un pur paradis que seuls les idiots ne savent pas reconnaître. Une fois plongée dans l'antre musicale, mon sort est joué et je m'y retrouve piégée durant des heures entière, comme à l'accoutumée.

— Ritournelle ! me lance mon compère depuis le comptoir, visiblement plongé dans ses comptes.

— Ritournelle, répliqué-je en fermant soigneusement la porte, sourire aux lèvres. Tu as quelque chose pour moi ?

Une pointe d'espoir tenaille mon cœur, comme à chaque fois que je pose la question. Délicate, succulente, mon impatience quotidienne finira par me jouer des tours.

— Non, malheureusement. Toujours pas de David Bowie à l'horizon.

J'empêche mon sourire de s'évader, gardant l'air bloqué entre mes lèvres.

Les reflets du miroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant