Chapitre 5 | Un million de regards

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Les flammes crépitent devant mes yeux, elles lèchent le ciel en gagnant en altitude et en puissance, jusqu'à chasser l'obscurité qui les entoure

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Les flammes crépitent devant mes yeux, elles lèchent le ciel en gagnant en altitude et en puissance, jusqu'à chasser l'obscurité qui les entoure. L'odeur du papier brûlé mêlé au fer qui rougit me fait sourire, imposant à ma mémoire de doux souvenirs d'enfance.

Quand les preuves sont trop entêtantes, qu'elles s'apprêtent à prendre le dessus sur ta vie, tu brûles. Fais simplement disparaître ce qui te gêne, tu comprends ?

Petite, j'avais hoché la tête face à ces paroles. À présent, je les applique. Ma course nocturne terminée pour atteindre son objectif, la petite plaine dominant la ville m'ouvre ses portes. Il ne m'a fallu qu'une poignée de minutes pour embraser le conteneur, maintenant mes doigts s'appliquent à arracher une après l'autre la centaine de pages journalières avant de les faire partir en fumée. Ces dizaines d'exemplaires jetés au feu pour oublier les maux qu'ils contiennent, pour faire disparaître les évènements qui peuplent leur page jusqu'à ignorer leur existence même.

T'as l'air maligne maintenant que quelqu'un t'a vue courir comme une folle, me chuchote ma conscience.

Un peu de sport en profitant de la fraîcheur nocturne, je ne vois pas ce qu'il y a de bizarre là-dedans...

Je jette la dernière pile d'un seul geste, puis referme mon sac avant de quitter les lieux, pour éviter d'attirer davantage l'attention.

Meurtre accompli !

Cours, Madeleine.

Voilà que je me mets à entendre sa voix ! Pas question de retourner en arrière, ce n'est pas le moment ! D'un geste vif, je lance ma musique pour éviter de basculer dans ce désagréable flash-back, l'image de ma sœur traversant déjà mes rétines. Immobile au milieu du boulevard, me voilà fermant les yeux pour mieux concentrer mon souffle, pour stopper le tremblement soudain de mes paumes refroidies. Mes mauvaises habitudes reviennent en courant, imitant les anciennes pratiques meurtrières de mon enfance.

Serre les poings quand tu perds le contrôle, blesse tes paumes si besoin, bloque ton souffle jusqu'à t'évanouir pour stopper tes idées folles. D'autres seront là pour surveiller sur les gens comme toi, d'autres veilleront à te rattraper et à te protéger durant l'inconscience. Tout n'est que mirages et folies Madeleine, est-ce que tu le comprends ?

Je hoche la tête, comme s'ils étaient encore à mes côtés. Je dérive quelques années en arrière, assise dos au mur à même le sol en attendant leur venue, la boule au ventre et le regard fixé sur la porte jusqu'à ce qu'elle finisse par s'ouvrir.

Ce n'est pas réel.

Fixant les arcs de cercles ensanglantés au creux de mes mains, je relâche la pression en revenant dans l'instant présent, sans me soucier de celle que j'étais il y a dix ans ni des personnes qui m'accompagnaient à l'époque. Cette période n'est qu'une erreur que je dois m'affairer d'oublier si je veux continuer à aller de l'avant, pour ne plus retomber si bas.

Les reflets du miroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant