Chapitre 15 | Avec elle, mais sans lui

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L'entendre s'effondrer contre le mur qui nous sépare ne suffit pas à me faire bouger de mon lit

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L'entendre s'effondrer contre le mur qui nous sépare ne suffit pas à me faire bouger de mon lit. Ses sanglots néanmoins, parfaitement audibles depuis ma position me forcent à me redresser, les sens et ce stupide instinct déjà aux aguets. Dans un silence total, je tends l'oreille pour essayer de jauger la gravité de la situation. Soutenus, presque étouffés, ses pleurs ne résonnent pas comme d'habitude.

Cette fois, elle a vraiment un problème.

En un rien de temps, je me retrouve le visage plaqué contre sa porte, pesant le pour et le contre en quelques secondes.

Pour : ça lui fait du bien de pleurer après tout ce qu'elle a fait endurer à tout le monde. Peut-être que maintenant, elle comprend enfin ce que ça fait de se sentir tellement misérable qu'on reste cloué au sol des heures durant, tout simplement incapable de trouver la force pour bouger.

Contre : Si jamais il lui arrive quelque chose, si c'est le premier signe d'une crise, non seulement Sarah ne me le pardonnerait jamais, tout comme je ne pourrais plus me regarder dans un miroir. Je ne suis quand même pas un putain de monstre, mes organes sont à l'agonie à force de l'entendre se morfondre sans savoir pourquoi.

J'abaisse la poignée brutalement, m'exceptant de sa permission pour pénétrer dans la chambre.

Je crois que je n'y ai mis les pieds que deux fois, trois si je suis optimiste.

Retranchée tel un animal blessé dans un coin de sa chambre, un genou contre sa poitrine, l'autre tendu, et le visage enfoui contre ses bras, je peine à la reconnaître. Où est passé la boule d'énergie et de joie qui me sert d'amer reflet ?

Je m'avance timidement jusqu'à elle, tirant nerveusement sur le bas de mon tee-shirt. Je me laisse glisser dos au mur, déposant mes fesses sur le sol juste à côté d'elle. Ses épaules tressaillent à intervalle régulier sans parler de cet agaçant hoquet qui la prend en continue.

Je la fixe comme si je la voyais pour la première fois depuis longtemps. C'est peut-être le cas. L'approcher spontanément est un évènement invraisemblable, son soleil et ma lune rarement en éclipse le reste de l'année.

Sa fragilité me saute aux yeux, me prend à la gorge, et je déteste cette sensation. Je n'aime pas voir les gens pleurer, les entendre geindre jusqu'à assister à leur défaillance. J'ai eu ma dose pour toute une existence. Toujours incapable de savoir quoi dire, quoi faire, comment aider dans cette situation, je me creuse la tête pour tenter d'attraper un souvenir semblable avec notre mère. Comment s'y prenait-elle déjà ? Ça fait si longtemps que je ne laisse plus personne m'approcher, me toucher, que j'en ai oublié ce qu'on ressentait lors d'un instant de tendresse qui se veut réconfortant. Je me mords la lèvre, dans une impasse.

Notre mère nous couvrait de baisers, nous encerclait de ses bras pour pouvoir effacer chacune de nos larmes jusqu'à ce que la douleur passe.

Ça, c'est au-dessus de mes forces, hors de question !

Les reflets du miroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant