Âmes brisées

1 - Mon futur beau-père... ou pas...

Je rentre dans le restaurant où j'ai rendez-vous avec elle et son nouveau copain.

Je jette un coup d'œil nerveux autour de moi pour voir où ils sont. Mes mains sont moites et je suis stressée, je dois certainement être toute rouge. Ça m'arrive souvent quand je réfléchis trop. J'appréhende cette entrevue, car souvent je déteste ses copains. Au moins aujourd'hui, c'est lui qui invite, d'habitude elle se laisse marcher sur les pieds et paye tout. Je vérifierais qu'il tienne parole.

- Vic !

Je me retourne vers la voix et la vois. Elle s'approche de moi, on se serre dans les bras l'une de l'autre.

- Désolée, maman, de mon retard. Je devais absolument terminer mon travail de groupe et puis le bus a été pris dans les embouteillages. J'ai fait au plus vite.

- Ce n'est rien mon petit cœur. Je sais que tu n'as pas beaucoup de temps avec tes études. On ne t'a pas attendue, on s'est déjà pris quelques verres.

On se dirige vers la table et je dis poliment bonjour à mon nouveau futur beau-père.

Il a la quarantaine. C'est déjà mauvais signe, il est plus jeune qu'elle. Il va vite aller voir ailleurs. C'est toujours comme ça, ma mère se fait trop vite séduire. Elle est un véritable cœur d'artichaut. 

Je suis tout le contraire d'elle. La vie a fait que je ne fais confiance à personne et surtout pas à la gent masculine. La seule personne qui mérite toute ma confiance, c'est la seule femme qui existe dans ma vie et elle se trouve juste en face de moi. À une certaine époque, j'étais très amie avec une fille de mon école secondaire. Pendant longtemps, on avait gardé contact. On se voyait presque tous les jours, même avec nos études universitaires différentes. Mais cet événement et mes problèmes sont arrivés, elle n'a pas supporté. Elle disait que j'avais changé et que je n'étais plus la même. Et c'est vrai, j'ai changé. Après des événements pareils, impossible de retrouver une vie saine.

Je continue à détailler cet homme que, j'en suis certaine, je ne vais pas aimer. Je commence bien, moi, je critique déjà alors que je ne le connais pas.

Il a les cheveux noirs et quelques cheveux gris de chaque côté de ses rouflaquettes. Des yeux bruns, une peau basanée qui lui donnent un très joli charme. Il a les joues rouges, à mon avis, il stresse autant que moi. Maman a dû dire que je suis très exigeante lorsqu'il s'agit de ses petits amis.

Il est bien bâti, il a de larges épaules, des bras musclés. Il doit faire de la musculation, c'est certain. Comment séduire si on est un gringalet ? Je suis sure qu'il fait attention à sa physionomie, pire qu'une fille devant le miroir.

Je n'ai pas encore pu voir sa taille, il ne s'est pas levé pour me dire bonjour. Voilà une personne mal polie.

Je critique beaucoup et dis beaucoup de mal des hommes qu'elle côtoie, mais, en même temps, elle comme moi n'avons pas eu une vie facile.

Je la vois déposer tendrement une main sur les genoux de son voisin et ils se regardent tous les deux avec cette étincelle que je ne connais pas et que je n'ai pas envie de connaitre. Il lui prend cette main qu'il lève jusqu'à ses lèvres pour l'embrasser. Je ne peux m'empêcher de faire une grimace.

Je sais qu'elle essaye de me montrer qu'ils s'aiment et que c'est du sérieux, mais avec elle c'est toujours comme ça : « Ma chérie aie confiance en lui. C'est du sérieux, on s'aime et il ne me fera jamais de mal ». Mais je sais comment elle est quelque temps plus tard : dévastée. Et c'est moi qui dois la ramasser à la petite cuillère.

Je dois avouer que ça fait un petit moment qu'elle n'a plus ramené de mec à la maison. Je me demande si elle a peur de moi et mes réactions ou si elle n'en a pas trouvé jusqu'à l'homme qui se trouve devant moi. Je vais bientôt le savoir, j'imagine.