Prologue

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PROLOGUE

Je n'arrive pas à y croire !
Je tiens encore mon téléphone avec peine tellement mes mains tremblent... Je suis... juste... ébloui ! Ma joie est immense mais je préfère ne pas alerter ma mère inutilement. C'est pourquoi je me rends au centre pour vérifier... Et là le directeur me remet mon attestation.

J'ai du mal à y croire parce que je dois avouer que je n'avais pas trop espoir. Pas que je ne sois pas intelligent, loin de là ! Juste qu'avec tous les concours que j'ai fait dans ce fichu pays je me suis un peu découragé ; mais mes prières ont été entendues ! J'ai réussi !

Je suis Daniel Mbami. Comme vous avez dû le comprendre, j'ai postulé pour une bourse au Canada et une autre aux USA qui a d'ailleurs porté ses fruits. Ça fait 4 ans que j'ai eu mon Baccalauréat et que je perds mon temps à l'université de Douala Cameroun. J'ai raison d'appeler ça perdre mon temps et je ne suis pas le seul à penser ainsi... Après le Bacc au Cameroun c'est le début de l'enfer... Entre les multiples concours ratés, non pas forcément par manque de compétences, mais aussi par manque de moyens, il faut être résistant pour réussir, à défaut bien sûr d'avoir de l'argent ou des contacts haut placés. Car oui, la corruption et le favoritisme prennent le dessus sur le mérite de 'os jours. Moi, je n'ai pas eu les moyens d'aller dans une université privée, donc j'ai eu ma licence en physique l'année dernière après avoir tenté mille et un concours sans succès j'ai décidé d'abandonner le poulailler* comme on l'appelle et de rester à la maison pour chercher du travail et par ricochet m'exercer pour les bourses. C'est un ami qui me l'a conseillé... J'ai déjà 22 ans en plus !
C'est la plus grosse chance de ma vie!

Je cours littéralement pour rentrer à la maison, tellement je suis fou de joie. Jee trouve ma mère en train de donner le bain au salon à ma nièce de trois mois, un vrai bout de chou. C'est ma soeur de 18 ans qui l'a eue l'année dernière durant son année de Terminale. On a été un peu surpris mais elle fait notre joie aujourd'hui. Surtout pour ma mère qui se réjouit de s'en occuper car n'ayant pas pu concevoir après ma sœur et moi. Ne dit-on pas qu'un enfant est toujours une bénédiction ? Et bien elle l'est pour nous.

- Mama ?! Appelé-je.

Elle lève la tête et me regarde.

- Oui Dany ?! Il y avait quoi pour que tu sortes en courant comme ça ?

- Mama, Dieu a entendu mes prières ! J'ai eu la bourse pour les États-Unis là !

- Ehé! God ! Crie-t-elle en laissant l'enfant sur le canapé pour venir m'embrasser. Merci Papa! Merci mon Dieu !

Elle est même plus contente que moi. Elle se met alors à esquisser quelques pas de Bendsikin, une danse de notre tribu. Je suis tout amusé.

- Mbami sort tu viens embrasser ton fils oh!

Mon père sort de la chambre en vitesse ; il a dû rentrer après mon départ. Il vient me prendre aussi dans ses bras après avoir appris la nouvelle. C'est la joie totale.

Je suis sensé partir dans un mois, alors je vais profiter de ce temps là pour accroître mes économies et passer du temps avec mes amis. Bien sûr je ne vais pas le dire à toutes mes connaissances... On ne sait jamais qui pourrait me vouloir du mal. Ici, il suffit juste qu'on te soupçonne de vouloir trop réussir ou simplement de vouloir quitter le pays pour tenter d'en finir avec toi. Il y en a qui n'aiment pas voir les autres évoluer.

Comme nous n'avons pas de proche à New York et que la bourse n'est pas entièrement financée, j'y vivrai avec le fils de l'ami de mon père, un Blanc qui avait séjourné dans notre ville et qui lui devait une faveur. Ils se sont entendus là dessus. Ce dernier vit à Washington avec sa femme et leurs deux filles mais Chris lui fait des études à New-York et partagera son appartement avec moi.


Après la nouvelle d'hier je décide d'aller partager ma joie avec mon meilleur ami qui vit à l'autre bout du quartier. Il sait déjà pour la bourse; d'ailleurs lui ne l'a malheureusement pas obtenue mais il est content pour moi et ne désespère pas. Mais j'aurais tellement aimé qu'on réussisse ensemble, qu'on n'y aille tous les deux. Mais bon, j'ai confiance en Boris ; il est très intelligent ; il aura d'autres opportunités.

- Oh le Boss !

- Oui le Statois!

Toujours aussi amusant !
Installés chez eux, dans cette maison qui est déjà comme la mienne, dans le fauteuil en face de moi, il se remet à me taquiner.

- Donc maintenant toi tu vas seulement draguer les américaines !

Je ne peux m'empêcher de rire.

- Où même ? J'y vais pour les études et pas pour m'amuser ! En plus tu sais que les filles et moi ça ne marche pas.

- Aka laisse ça ! Tu es alors gay ? Faut pas aller copier leurs trucs là hein...

- Que ça a commencé par où ? Moi j'aime les guitares d'abord !

On éclate de rire.
- Comme Anita hein?!
- Mouff !

Anita c'était ma première petite amie et la dernière en fait. Ce n'était pas trop sérieux donc on a fini par arrêter. Mais sinon elle était vraiment canon avec ses rondeurs... Mais bon !

La soirée que je passe avec mon ami se poursuit dans la même ambiance. Entre commentaires, blagues et taquineries, elle n'est que fous rires. Et c'est presque toujours comme ça lorsque nous sommes ensemble. Je sens que ces moments vont me manquer dorénavant, tellement j'y suis habitué.

Pendant la semaine j'ai fait quelques tours au centre, et maman faisait des achats de denrées alimentaires - tant mieux parce que j'aurai du mal à m'habituer avec leur alimentation - . Moi aussi j'ai acheté un peu de quoi m'habiller avec Boris. Papa s'occupait de toute la paperasse. Ma petite sœur se montrait un peu plus affective, en fait tout le monde ; peut-être parce qu'ils imaginaient tous la distance et moi pareil. Je n'ai jamais rêvé de me séparer de ma famille mais c'est pour la bonne cause.
Bien sûr la prière a toujours été au centre de tout dans notre famille donc je ne cesse de remercier Dieu pour cette grâce, pour Ses bienfaits. De ce fait, nous avons demandé une messe à l'église que nous fréquentons.
Bref tout était prêt pour le grand jour, qui m'a d'ailleurs semblé loin. Mais il a fini par arriver...

Mon père et mon ami m'accompagnent à l'aéroport après que ma tendre mère et ma sœur m'aient lavé de leurs larmes.
Mon père ne manque pas de me réitérer ses conseils en attendant mon embarquement.

- Allez fils ! Je compte sur toi.

- Je ne vous décevrai pas Papa, dis-je en lui faisant une accolade.

J'en fais autant avec mon ami.

- Prend bien soin d'Audrey hein...

- Bien sûr... Et d'Anita aussi, réplique Boris en riant. Bonne chance gars...

- Merci bro. Je t'attends là-bas.

J'attend le dernier appel pour entrer dans cet oiseau géant ; non seulement parce que j'ai du mal à me séparer de ma terre natale, mais aussi parce que j'ai un peu peur, je l'avoue, de prendre l'avion. C'est ma première fois de le faire, mais il faut que j'arrive à maîtriser mes émotions.
Ah! Je n'arrive toujours pas à croire que je quitte mon pays. Mbami a pris l'avion ! Mbami est en train de go Mbeng (aller à l'étranger) ! Qui l'eût cru ?!

J'aurai du mal à m'habituer, je le pressens.

Destination l'inconnu !

Black and WhiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant